Cathou en ski de fond

Par Michèle Leclerc

Hier, il a neigé. Aujourd’hui, nous sortons, Pierre et moi. Emmitouflée dans mon manteau d’hiver, ma tuque et mes mitaines, je sors. Dans le chenil, le signal est donné! Tous les chiens de notre attelage de traîneaux m’ont aperçue. Les uns jappent, les autres hurlent. Une vraie cacophonie! Ils sautent et tournent en rond. La petite Cathou, la chienne de mon fils de six ans, Guillaume, s’assoit sagement et fixe la porte. La chienne me regarde implorante, jusqu’à ce qu’elle aperçoive son jeune maître qui trottine derrière moi. Les petites oreilles de Cathou s’agitent et sa queue balaie le sol. À l’arrivée de Guillaume, elle lève la patte sur le grillage. Silencieusement, mon fiston va ouvrir la porte pour laisser courir son chien. Ils jouent ensemble dans la neige. Pendant ce temps, j’attrape nos deux paires de skis de fond bien fartés et je les installe dans la boîte, sur le toit de la voiture. J’entends mon petit garçon parler à son ami : « Écoute… je vais me faire garder chez grand-maman aujourd’hui. Je suis content. » Cathou remue la queue comme un essuie-glace à haute vitesse. Puis, un coup de langue rapide atterrit sur la bouche de mon fils. Guillaume enlace sa fidèle amie, une accolade de fidélité remplie d’amour, puis ensemble, ils se roulent dans la neige.

Le temps de partir arrive. Le chien ne veut pas rentrer au chenil. Ses quatre pattes se raidissent. Pas moyen d’avancer. Je finis par céder : « OK, c’est bon, je la prends en ski de fond! » J’attrape son harnais et sa grande laisse pour ne pas la perdre dans le stationnement. Dans le bois, elle courra à perdre haleine.

Ski-de-fond-Prêt

Nous déposons les enfants chez leurs grands-parents. Il est déjà presque trois heures lorsque nous enfilons nos guêtres et sautons sur nos skis de fond. La piste vient d’être ouverte. Les branches des arbres nous frôlent. Elles se courbent sous le poids de la neige. La chienne court devant nous. Moi, je prends mon temps. Dans la neige folle, les descentes m’enivrent, mais les montées me donnent quelques défis. Le soleil commence à peine à descendre à l’horizon lorsque nous décidons de nous lancer dans une boucle. Mais la randonnée s’avère beaucoup plus longue que prévu! La noirceur nous surprend. Nous avançons dans la pénombre. Nous n’arrivons même plus à distinguer la piste dans cette forêt sombre et dense. Pas facile de se repérer par une soirée sans lune! Deux autres couples ont également été surpris par la tombée de la nuit. Nous leur demandons le chemin, mais ils n’en savent rien. Deux choix simples s’offrent à nous : revenir sur nos pas ou continuer. Quelle distance nous reste-t-il à parcourir? Nous nous consultons tous les six. Sur l’entrefaite, la chienne fonce sur nous en courant. C’est assez pour donner une bonne frousse à nos compagnons. Est-ce un loup? Un coyote? Elle vient me rejoindre et saute sur moi. Je me retrouve sur le dos, avec elle dans les bras. Je suis fatiguée et un peu apeurée. Comment rentrer sans voir le chemin? Il fait noir. Je consulte Cathou : « Connais-tu le chemin pour rentrer à la maison? Va chercher Guillaume! » Comment me faire comprendre? Pour seule réponse, elle me lèche le visage énergiquement en agitant la queue. Ne voulant pas perdre ma fidèle compagne, je décide de l’attacher à ma taille. Aussitôt, elle se met à me tirer dans le sentier. Je me remets debout et suis emportée par son élan. J’expérimente le ski attelé canin! Je crie au reste du groupe déjà distancé : « C’est décidé, nous continuons la boucle. » Habituellement, je vais lentement. Mais là, c’est différent. Cathou me propulse en filant vers l’avant. Je m’en remets à elle. Avec sa truffe, elle hume tous les indices qui lui permettent de nous guider. Je ne vois pas le sentier, mais elle, oui! Je lui fais confiance. Mes sens sont aiguisés, alors je scrute les moindres détails pour me confirmer que je demeure sur le chemin. Mes compagnons m’ont rattrapée et ils me suivent de près. Pierre s’étonne de ma performance en ski; moi, qui habituellement aime prendre mon temps. S’il savait que c’est Cathou qui fait tous les efforts… Dans les ascensions, la chienne ne diminue pas sa vitesse et je m’affale dans la neige chaque fois. J’ai de la neige sur la figure et dans le cou. Mais cela me permet de retrouver un peu mon souffle. Cathou revient vers moi. Elle me pousse et me lèche à nouveau. Elle semble me dire : « Allez debout! Il y a encore du chemin à faire! » Je me relève et reprends la montée du mieux que je peux. Je vais puiser au fond de moi toute mon énergie, car je suis fatiguée! La course dure au moins une heure et demie.

Enfin, tous sains et saufs, nous apercevons le stationnement. Grand-maman commençait à s’inquiéter lorsque nous sommes arrivés à la tombée de la nuit. Aussitôt débarquée de l’auto, Cathou saute dans les bras de Guillaume! Mon fils la caresse, lui donne une accolade et un baiser sur la truffe.

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Petite, Michèle Leclerc rêvait d’une grande famille, d’aventures et de films. Elle sillonnait déjà le monde avec son père, réalisateur à la télévision de Radio-Canada. En assistant aux Grands Explorateurs, elle se souvient de s’être dit : « Un jour, ce sera mon tour! » Maintenant mère de neuf enfants, Michèle bourlingue sur la planète, sac au dos et caméra à l’épaule.

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