La liberté en Terre de Baffin : mission accomplie

 

Il y a peu de temps, nous vous présentions un collègue, Pierre Laliberté, et son projet d’explorer le Grand Nord en traversant le Parc national canadien Auyuittuq. De nord en sud, il a effectivement pu admirer la flore et la faune arctiques, expérimenter un soleil qui ne se couche jamais et bien plus encore…

L’article qui suit relate l’incroyable aventure d’un employé de La Cordée, parti à la conquête de son rêve dans un périple où le dépassement de soi était au rendez-vous.

L’aventure était-elle à la hauteur de ses attentes ?

Avant de fouler le sol du Nunavut, Pierre s’était fait une idée des paysages qu’il allait pouvoir admirer et traverser : « Je m’attendais à une randonnée sur un terrain assez plat ». Toutefois, après avoir gravi des moraines[1], franchi des champs de tourbe et traversé des rivières en contemplant, au passage, les magnifiques panoramas des monts Thor et Asgard, il s’est rapidement rendu compte que la topographie de la Terre de Baffin n’est pas régulière et facile à parcourir. « C’est tout de même un glacier qui a façonné le passage qu’on a emprunté. C’est un pays de géants où tu te sens tout petit et vulnérable face à une nature qui ne pardonne pas »,.

Au pays des géants, il n’y a pas de sentiers. Aucun chemin n’est balisé. « Tu passes où tu peux, avec une charge entre 50 et 55 livres sur le dos. Ce n’est pas toujours facile marcher sur de gros rochers et traverser des rivières, mais notre groupe était très bien encadré par notre guide Louis-Philip », raconte Pierre. Louis-Philip Pothier, qui a également travaillé à La Cordée, possède sa propre entreprise d’aventure : Inukpak Outfiting au Nunavut, sa terre d’adoption. Grâce à lui, Pierre a pu s’émerveiller des beautés qui l’entouraient tout au long d’une traversée sécuritaire du Parc national Auyuittuq.

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« Certaines personnes de mon entourage avaient peur que mon expédition ne soit pas à la hauteur de mes attentes, mais elle les a largement dépassées », ajoute Pierre. « C’était extraordinaire! », renchérit-il.

Et qu’en est-il du cercle polaire arctique?

Dans un monde de contrastes où la nature éphémère se montre à la fois impitoyable et délicate, Pierre s’extasie de ce qu’il découvre : le cercle polaire. « On a vraiment été gâtés par la vie tout au long de l’aventure. C’était merveilleux ! » Chaque jour de randonnée, les paysages nous coupaient le souffle, les défis sur les plans physique et psychologique nous stimulaient, l’observation des plantes et de la faune qui se déployaient sous nos yeux ont tous contribué à graver dans notre mémoire des souvenirs immuables, trace indélébile comme celle de l’empreinte du glacier sur le sol arctique.

En espérant réussir à capturer ne serait-ce qu’une parcelle de la beauté des lieux, Pierre s’est adonné au plaisir de la chasse à l’image en photographiant ses découvertes. S’ajoutent à ses clichés une liste de qualificatifs, que le naturaliste de formation et son groupe d’aventuriers ont pu dresser au cours des onze jours et demi de leur traversée : immensité, décor majestueux, puissance, splendeur, fragilité et aspect mystique. Ça donne envie de tomber également sous le charme d’Auyuittuq !

Et l’épanouissement personnel ?

À 58 ans, Pierre s’est laissé émerveiller tout au long de son trek comme l’aurait été un enfant devant la vitrine d’une confiserie. Aussi charmé qu’il fût, il a en outre grandi, en continuant d’apprendre sur la vie et d’approfondir sa connaissance de lui-même. Avec ses bagages, il rapporte l’accomplissement et la fierté, sentiments auxquels s’ajoute une grande leçon de vie, qu’il formule ainsi : « J’ai appris à traverser la rivière une fois arrivé au pont. »

 

« Durant l’expédition, j’ai été confronté à des situations qui ont fait ressortir un aspect de ma personnalité que je pensais avoir amélioré : la tendance à angoisser », admet Pierre. « Me faire emporter par le courant en traversant la rivière, c’est ce qui m’angoissait le plus. Mais je ne pouvais pas passer tout le trek à avoir peur ». Il a donc fallu apprendre à contrôler cette angoisse pour pouvoir profiter pleinement de l’expérience et recouvrer une certaine quiétude.

« Moraine » de questions

Q. As-tu croisé un ours polaire ?

R. Finalement, non. On m’a dit en avoir aperçu un à Iqaluit, mais je ne l’ai pas vu. Lors de l’expédition nous n’en avons croisé aucun. Toutefois, j’ai vu un renard argenté, un bruant lapon (une première pour moi) et un lièvre arctique, animal énorme. L’une de mes partenaires de randonnée a même confondu le lièvre avec un ours polaire!

Q. Est-ce que le soleil de minuit t’a empêché de dormir ?

R. Chaque jour, nous marchions entre huit et treize heures. Après avoir monté nos tentes et nous être nourris, je t’assure que le sommeil nous venait naturellement et rapidement, même sous le soleil.

Q. Maintenant que tu as réalisé ce rêve de jeunesse, à quoi aspires-tu ?

R. J’aimerais aller voir le bœuf musqué. Je pensais qu’il y en avait au Nunavut, mais je me suis trompé. On les retrouve plutôt au Québec, à Kuujjuaq. Le Costa Rica m’intéresse également. J’ai travaillé au Biodôme de Montréal comme professionnel de la forêt tropicale alors que je n’ai jamais mis le pied dans ce type de forêt. Je me dois donc d’y aller un jour. Finalement, l’idée de retourner sur l’île de Baffin pour y faire la même expédition en hiver me trotte aussi dans la tête.

Q. Qu’est-ce qui t’a le plus fasciné ?

R. Ce qui m’a beaucoup impressionné, c’est de pouvoir boire à même les courants d’eau. C’est un peu le fantasme de tous les adeptes de plein air : remplir sa gourde d’eau n’importe où et boire sans avoir à filtrer l’eau.

Satisfait, notre collègue recommande fortement l’expérience d’un trek en Terre de Baffin à ceux et celles qui seraient tentés d’entreprendre un projet similaire. Il a trouvé son voyage très enrichissant. « C’est tellement immense et magnifique ! Au total, durant le voyage, nous n’avons croisé que six personnes seulement. Nous étions les premiers à faire la traversée en 2015 », commente-t-il.

Avides de grands espaces et passionnés de plein air, est-ce un défi qui pourrait vous intéresser aussi ?

[1] Monticules formés de débris rocheux transportés et façonnés par le passage des glaciers.