La saison morte ou comment se préparer à courir 80 km

Quelque part en après-midi le 2 mai prochain dans les montagnes New Yorkaises, j’entendrai le bruit de la foule au loin et l’animateur qui félicitera chacun des coureurs avec autant d’enthousiasme pour le dernier que pour le premier.  Je passerai dans un tunnel et je verrai le terrain gazonné apparaître devant moi, et, à ce moment précis, je commencerai à savourer ma victoire sur moi-même. Encore quelques foulées et je franchirai la ligne d’arrivée. Le seul obstacle à cette réussite sera les 80 km de sentiers en montagne qui précéderont!

Sur le départ à 5 h le matin de cette même journée, il fera encore nuit, mais je serai éclairé et parfois aveuglé par des centaines de frontales.  Je tenterai de me libérer l’esprit et d’éviter le regard de mes amis afin de ne pas leur mentir en faisant semblant que tout est merveilleux et que je ne regrette pas de m’être inscrit à cette course six mois plus tôt! Toutefois, lors du décompte de 10 pour le départ, les maux de ventre et de cœur devraient disparaître pour laisser place à une excitation un peu folle. Atteindre l’arrivée et avancer tranquillement deviendront mes mantras pour la journée entière.  Je serai alors en voie d’accomplir ce que je pensais impossible, impensable et honnêtement, irréalisable, il n’y a vraiment pas si longtemps.

Courir pour le plaisir

Clarifions les choses d’entrée de jeu pour ce premier texte : je ne cours que pour le plaisir, que pour bouger.  Je ne recherche rien d’autre, je ne poursuis aucun programme d’entraînement et n’espère pas gagner un ultra-marathon un jour ou même finir sur un podium.  Mon objectif est le jeu : jouer à dépasser Jean-François dans une montée ou une descente ; jouer à essayer de ne pas me faire décrocher dans le 1er km par mes amis supers athlètes lors des sorties à Prévost; se prendre pour Kilian Jornet quand on est seul; initier les enfants; partager un après-midi avec Ariane qui ne me lâche jamais d’une semelle même quand je pousse au plus fort mes capacités. Voilà ce que j’aime de la course, oublier un peu tout, juste jouer.

Saison morte

SaisonmorteCeci étant dit, quand une saison se termine à l’automne et que la première compétition de l’année suivante est un 80 km, soit  la distance la plus longue que je n’ai jamais parcourue, on sait pertinemment que l’hiver ne sera pas de tout repos et qu’il faudra tout de même s’y entraîner.

Saison morte? Il n’y a rien de moins mort qu’une entre saisons de course d’ultra. Course en raquette ou à pied, ski de fond classique, pas de patin ou de randonnée, vélo extérieur ou intérieur, le corps apprend à moins courir, mais à travailler plus fort et plus longtemps dans la diversité.

Je suis prudent face aux fameux week-ends-chocs qui sont pour moi des surcharges soudaines qui provoquent des blessures.  Lorsque j’ai fait des fins de semaine de surcharge d’entraînements l’hiver dernier et ce printemps, j’ai plutôt cherché à alterner vélo, ski de fond et course durant des périodes de 5 heures consécutives par jour, et ce, pour deux ou trois jours consécutifs. Le résultat s’est avéré beaucoup moins stressant pour le corps que de faire le même temps d’entraînement exclusivement à la course. On verra bien le 2 mai si ma théorie aura été payante ou alors si je devrai rembourser la totalité de l’emprunt plus intérêts! La réponse devrait m’être donnée vers le 60e km, peut-être avant, peut-être même bien avant… L’angoisse.

Tout roule

635658230000059668[1]On court moins l’hiver pour changer le mal de place, car oui, ça peut faire mal de courir trop, trop souvent et trop longtemps. Mal comment? Cela dépend du coureur, dans mon cas ce sont, pour la plupart du temps, les  tendons et les petits muscles qui flanchent, le piriforme, le talon d’Achille ou la bandelette ilio-tibiale. J’apprends à les connaître un par un. Dès que la rigueur dans les entraînements n’est plus, je finis par avoir un bobo ou deux.  Je n’ai aucune autre option que de faire des exercices d’assouplissement tous les jours et d’utiliser un rouleau en mousse (foam roller) plusieurs fois par semaine afin de relaxer les muscles. Ce printemps, j’encouragerai le Canadien au niveau du sol avec mon rouleau en mousse et mes cris ne seront pas seulement pour les buts de nos Glorieux, mais quelques fois parce qu’un muscle récalcitrant me rappellera que je l’ai négligé trop longtemps.

J’ai aussi le rêve de ne pas trop varier mon kilométrage chaque semaine, mais le boulot et les enfants font en sorte de rendre mes semaines de course le plus chaotiques les unes que les autres. Les sorties se passent quelques fois un peu trop tard le soir à mon goût, mais bon, nous sommes tous dans la même galère!

Aimer autant courir compresse l’horaire et implique certaines évidences ; les vêtements passeront régulièrement de la pile propre à la pile sale sans avoir transité par un tiroir. Le gazon est définitivement plus vert chez mes voisins, car je préfère de loin aérer l’herbe des montagnes environnantes avec mes crampons que celui-ci de mon terrain avec des outils de jardinage.

Le 2 mai sera, quoiqu’il arrive, une superbe journée de course. La communauté de course en sentier est tout simplement extraordinaire.  Il n’y a aucune classe sociale, aucune hiérarchie et tous les coureurs, rapides ou relaxes,  ont une tonne de respect les uns envers les autres. Passer une journée en montagne entre amis, se dépasser tous ensemble, et ensuite se raconter comment chacun a réussi à se sortir des moments difficiles est une expérience que j’aime revivre continuellement. Je voudrai entendre chacune des anecdotes et revivre cette journée à travers l’expérience des autres plusieurs dizaines de fois.

Je n’ai jamais vécu autant d’excitation et d’anxiété pour une course. J’ai joué dehors tout l’hiver pour être capable de jouer dehors pendant 80 km. Le 2 mai dans les montagnes New-Yorkaises, nous, les fous, serons sur le départ de cette course, nous serons de grands enfants qui oublieront pendant un moment tous les tracas de la vie pour aller nous amuser tous ensemble dans un très grand terrain de jeux, c’est si simple!

Louis-Philippe

MusiqueP.S.

Voici deux propositions de chansons pour votre playlist si courir avec de la musique vous plaît :

 

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Louis-Philippe Gagné

Pour Louis-Philippe, tout a débuté en 2010 alors qu’il participait à de courtes courses en montagne. Rapidement, il s’est découvert une passion pour ce sport et a rallongé les distances jusqu’à courir des ultramarathons. Aujourd’hui, il est constamment à la recherche de nouveaux défis. En plus de participer régulièrement à des ultramarathons en montagne et de tenter sa chance dans les plus belles courses du Québec, Louis-Philippe transmet sa passion pour le sport à ses enfants, qui pratiquent le soccer et le biathlon. La dynamique familiale est 100 % sport!

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