La traversée de la Chartreuse

Par Maxime Durand

Je vous partage aujourd’hui les souvenirs d’une courte randonnée automnale complétée en couple dans les Alpes françaises, entre Grenoble et Chambéry. La magnificence du cadre naturel de cette traversée de trois jours restera à jamais gravée dans ma mémoire.

De Paris, le train de la SNCF nous amène en quelques heures au centre-ville de Grenoble, avec un transit par Valence. En arrivant dans la région de l’Isère, la vue est déjà spectaculaire, car notre point de départ est situé au cœur des moyennes Alpes. La Chamechaude triomphe à proximité alors que le mont Saint-Eynard, plus modeste, sert d’enceinte à la vieille ville et est partie intégrante de son histoire.

Pour commencer notre traversée, nous avons opté pour le téléphérique qui amène de la vieille partie de la ville vers la forteresse de la Bastille qui la surplombe. Nous y avons visité les grottes dites de Mandrin qui offrent une vue spectaculaire sur Grenoble plus bas, maintenant que les canons qui ornaient jadis les meurtrières ont disparu.

La durée de la traversée complète dépend évidemment de la vitesse de marche de chacun, mais, en temps normal, elle prend cinq jours . Comme nous n’avions que trois jours devant nous, nous avons opté pour un raccourci dès le départ. Un court trajet d’autobus nous amènera plutôt au pied du mont Chamrousse (prononcé « champs-rousse »). Ce mont est une station de ski en hiver et, en été, il offre une jolie randonnée de quelques heures. Comme nous traînions nos sacs à dos pour l’ensemble du voyage et que cette première journée serait une boucle, nous avons aussi choisi de laisser nos sacs dans des buissons au pied de la montagne le temps d’y faire l’aller-retour. Cette première journée se décline en une randonnée d’une grande beauté, assez à pic, mais sans difficulté technique. Le sentier nous amène à longer la crête qui domine la vue de Grenoble au sud, et nous permet aussi de voir depuis la croix de son sommet les deux prochaines étapes de la traversée : le Charmant Som et le Grand Som (à prononcer « son »).

Il faut avouer que nous avons joué de chance, car en faisant cette randonnée à la fin du mois d’octobre, nous risquions que la neige ne complexifie notre trajet. Ce sont plutôt des températures avoisinant les 20 degrés Celsius qui nous ont permis de profiter d’un temps exceptionnel, un peu comme s’il s’était arrêté pour nous.

En terminant cette première journée, nous avions prévu de prendre l’autobus qui nous amènerait au village alpin de Saint-Pierre-de-Chartreuse, non loin. Nous n’avons heureusement pas eu à l’attendre longtemps, car des habitants du coin nous ont volontairement offert de nous y conduire. Nous avions réservé sans difficulté pour les deux nuits suivantes à l’auberge éponyme du village. Dans ce pittoresque village, entre les saisons touristiques d’automne et du début du ski qui suivrait, la tranquillité régnait.

Le lendemain, nous laissons nos sacs derrière à l’auberge pour commencer la randonnée du Charmant Som qui part directement de l’agglomération et pour laquelle nous ferons un aller-retour en cette journée aussi. Chaque pas se fait avec une grande aisance. Le dénivelé est encore plus progressif que la veille alors que le sentier longe doucement le flanc de la montagne. La vue autour est autrement époustouflante alors que les couleurs orangées des feuilles sont relevées par un soleil encore bien présent en ce temps pourtant avancé de l’automne. Nous concluons cette journée en nous régalant de deux éléments clefs de la gastronomie alpine locale. Si ma conjointe y va d’un choix plus léger, je me suis attaqué à une tartiflette pour bien faire le plein d’énergie. Si ce met vous est étranger, voici en quelques mots sa composition : patates, lardons et fromage reblochon, le tout nappé de crème fraîche. On dort à merveille après l’avoir dégusté, non sans avoir préalablement bu un verre de chocolat chaud aromatisé à la Chartreuse, cette boisson locale verdâtre et à saveur d’herbes est produite par le monastère de la Grande Chartreuse tout près. On avait d’ailleurs pu l’entrevoir un peu plus au loin. Le lendemain, sa proximité avec le sentier nous ferait apprécier sa vue.

Au troisième et dernier jour de la randonnée, c’est avec nos sacs à dos que nous prenons le chemin qui nous fera traverser le Grand Som. Nous optons pour le trajet le plus court et qui nous fera passer par une difficulté technique : le Pas de la Suiffière. Si les autres jours ont été assez faciles, ce segment nous fera gravir directement une courte falaise pour nous amener sur la crête rocheuse jusqu’à la croix du sommet. Cette ascension somme toute difficile avec nos sacs au dos servira de décor à nos plus mémorables photographies et émotions du voyage, car une fois la difficulté passée, le point de vue est phénoménal. À 360 degrés, les montagnes nous entourent et on peut voir les sommets de plusieurs montagnes iconiques des Alpes, dont le mont Blanc dans la région de la Savoie voisine. Si l’ascension était plus ardue et rocailleuse, la descente vers Saint-Pierre-d’Entremont est directement inverse et progressive. Nous marchons au milieu de prairies surréelles et parmi des boisés où tout est calme, feutré par le bruit des ruisseaux. Plus bas, on repère les ruines d’un château; un géant de pierres qui nous laisse imaginer un passé médiéval. Nous terminons notre périple avec une nuit à Saint-Pierre-d’Entremont au relais du Grand Som. Au réveil, il nous fallait déjà repartir pour attraper le train depuis Chambéry qui nous ramènerait à Paris pour d’autres aventures. Une semaine plus tard, le temps avait repris son cours et la neige commençait à étendre son manteau blanc sur la traversée de la Chartreuse. Que de bons souvenirs de cette randonnée d’automne.

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Ancien employé de La Cordée, Maxime a appris à faire du ski de fond avant de se mettre à marcher (du moins, c’est ce que sa mère prétend). Tout jeune, c’est l’escalade qui lui a ouvert les portes du plein air. De tempérament curieux, il a pratiquement essayé tous les sports de plein air. Bien qu’il se définisse comme un sportif hyper actif, il finit souvent par se retrouver derrière une pile de livres pour gagner sa vie d’historien. Et quand il n’a pas le nez dans un bouquin ou qu’il n’est pas en train de jouer dehors ou de jardiner, fourche à la main, Maxime sème la terreur dans les soirées de jeux de table avec ses amis.

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