Le froid et la santé : amis ou ennemis?

Collaborateur de La Cordée depuis plusieurs années, le docteur Michel White est également un cardiologue de grande réputation en plus d’être le directeur du programme de recherche en insuffisance cardiaque et transplantation cardiaque à l’institut de Cardiologie de Montréal. Hors du cercle de la médecine, Michel White s’est fait connaitre par son implication dans divers projets sportifs impliquant des personnes greffées. Somme toute, les chroniques du Dr. White sont intéressantes à lire pour tous les amateurs de plein air.

Malgré un hiver tardif, le froid mordant sera bien présent en janvier. Une question se pose alors : le froid est-il bon ou nocif pour la santé? Pour y répondre, voici quelques mythes et réalités entourant l’exposition aiguë ou chronique au froid.

1 – Il est possible de s’adapter graduellement et ainsi devenir plus tolérant au froid.

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Réalité

L’exposition graduelle à un environnement plus froid (température ambiante ou froide) accroît la quantité de graisse brune dans l’organisme. Ces tissus adipeux bruns augmentent la génération de chaleur (thermogenèse) et celle-ci améliore le métabolisme de base.

2 – L’exposition aiguë ou chronique au froid ne perturbe pas le système immunitaire.

RIAN archive 550903 Epiphany celebration in Maritime Territory" by RIA Novosti archive, image #550903 / Vitaliy Ankov / CC-BY-SA 3.0. Licensed under CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.
RIAN archive 550903 Epiphany celebration in Maritime Territory » by RIA Novosti archive, image #550903 / Vitaliy Ankov / CC-BY-SA 3.0. Licensed under CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

Mythe

L’exposition aiguë et chronique au froid provoque des changements au niveau des cellules de défense de l’organisme (neutrophiles et lymphocytes). Ces transformations pourraient expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes plus vulnérables aux infections virales lorsque nous prenons un « coup de froid ». Lors d’une exposition aiguë, l’immunité pourrait s’abaisser, mais l’exposition au froid de façon chronique, quant à elle, améliorerait la réponse immunitaire. De plus, une adaptation au froid semble diminuer la génération des hormones de stress ce qui nous rendrait moins vulnérables aux infections. Ceci pourrait expliquer, entre autres, les vertus des bains nordiques qui stimulent la circulation du sang. Rappelons-nous aussi les vertus anti-inflammatoires de l’immersion en eau glacée (2 fois 5 minutes) pour atténuer les symptômes de courbatures et l’inflammation reliés à un exercice intense et prolongé.

3 – L’exposition au froid offre des bénéfices pour la santé de tous les individus.

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Le froid modéré augmenterait la capacité aérobique en redistribuant la circulation cutanée au muscle. Cependant, l’exposition à un froid intense pourrait irriter les bronches et diminuer la capacité à produire un haut rendement cardio-pulmonaire, et ce, pendant de nombreuses heures. La tolérance au froid diminue avec l’âge. Aussi, les patients souffrant d’une maladie cardiaque sont plus sensibles au froid et leur capacité cardio-pulmonaire s’en trouve diminuée. Le froid peut donc s’avérer dangereux pour certains individus. D’ailleurs, les grandes études de population confirment une mortalité générale augmentée durant les périodes de température très froide chez les personnes plus vulnérables.

4 – Le phénomène de Raynaud empêche toute activité hivernale.

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Le phénomène de Raynaud est caractérisé par des extrémités qui deviennent blanches comme du lait suite à une exposition au froid, et ce, même si le froid reste modéré. Cette condition attaque le plus souvent les femmes. Il s’ensuit une coloration bleutée et rouge lors du réchauffement. La faiblesse du phénomène est causée par un spasme des petites artérioles situées dans les extrémités. Malgré tout, il est tout à fait possible de pratiquer des sports hivernaux en toute sécurité si le syndrome est léger ou modéré et qu’il n’est pas relié à une maladie inflammatoire. Lorsqu’on souffre du syndrome de Raynaud, il faut bien sûr s’hydrater et prendre soin d’éviter les excitants tels la caféine et les boissons énergisantes. Il est aussi important de bien s’échauffer avant d’aller à l’extérieur. Bien sûr, une protection plus chaude avec des mitaines au lieu de gants et des mitaines de remplacement lorsque la première paire devient humide est un gage de plaisir hivernal!

5 – En expédition, il existe des moyens très faciles et simples pour augmenter la résistance au froid et prévenir l’hypothermie.

Réalité

Outre les éléments mentionnés ci-haut, il est possible de diminuer les effets négatifs du froid par une bonne préparation ainsi qu’en suivant quelques conseils.

A) Demeurez bien hydratés. Nous avons tendance à boire moins lorsqu’il fait froid, ce qui est une erreur. Une hydratation optimale évitera l’hypothermie de façon significative.

B) Mangez souvent! Des repas fréquents et riches en glucides et en protéines faciliteront la thermogénèse. Les graisses fournissent beaucoup de calories, mais sont plus énergivores lors de la digestion.

C) Tous les détails comptent : évitez l’alcool, la caféine en excès et prenez garde à la fatigue en dormant abondamment d’un sommeil réparateur.

D) Pratiquez la visualisation et votre capacité de relaxation. Une forte aisance à se détendre améliorera la circulation sanguine et atténuera les chances de développer de l’hypothermie et des engelures.

Avec ces petits trucs, le froid et l’hiver deviendront vos meilleurs amis.

 

Vos commentaires et suggestions sont toujours les bienvenus : m_white@icm-mhi.com

Michel White MD, cardiologue

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Dr Michel White

Professeur titulaire de médecine et clinicien-chercheur à l’Institut de Cardiologie de Montréal, le docteur White s’intéresse aux divers aspects de la santé cardiovasculaire et de la physiologie de l’exercice. Il est aussi un amateur de plein air et un grand aventurier. C’est d’ailleurs lui qui a accompagné, pour la première fois de l’Histoire, un greffé cardiaque dans une ascension en haute altitude, au Mont-Blanc. Sans compter qu’il a aussi skié sur les deux pôles avec des patients greffés du cœur. De manière plus personnelle, le docteur White participe à des courses de longue distance, prend part au marathon canadien de ski de fond annuellement et pratique le vélo de façon régulière.