Proprioception : pour prévenir les blessures reliées à la pratique du ski de fond

Par Michel White, cardiologue

L’an dernier, une vilaine descente au 50e kilomètre de la 50e édition du marathon canadien de ski de fond m’a forcé à m’arrêter brusquement. Mon talon droit s’est immobilisé brusquement dans la neige printanière pendant ma descente du lac Carling. Mon bilan: une fracture malléolaire déplacée qui a nécessité une chirurgie orthopédique d’urgence. Après ma chirurgie, réalisée par une main de maître, et six semaines d’immobilisation, j’ai finalement posé le pied au sol. On aurait dit que j’avais mis le pied sur un pouce de beurre. Je n’avais plus la perception de mon pied droit dans l’espace. À l’aide de traitements ostéopathiques de grande qualité et à la suite d’exercices de proprioception, j’ai fait d’importants progrès. Dix mois plus tard, je cours entre 40 et 50 kilomètres sur base hebdomadaire et je serai au départ du marathon de ski en 2017.

Le ski de fond est un sport unique, dont les saisons qui sont malheureusement toujours trop brèves. Aussi, les progrès technologiques et les vitesses atteintes dans les descentes se rapprochent de celles enregistrées dans les descentes de ski alpin de performance. Or, les skis de fond sont encore longs et étroits, et de ce fait, ils sont instables. Qui plus est, il n’existe aucune fixation qui permet de libérer la botte en cas de chute. Conséquemment, le taux de blessures en ski de fond est comparable au taux de blessures répertoriées en ski alpin. Ce sont souvent les épaules, les poignets et… les chevilles qui écopent.

La proprioception

La proprioception, c’est le contrôle de l’équilibre sollicité simultanément par le cerveau, les yeux, et l’oreille interne. Il en résulte une commande motrice qui coordonne l’activation d’un groupe de muscles. En d’autres mots, la proprioception, c’est l’habilitée d’intégrer les signaux sensoriels de divers récepteurs mécaniques (muscles et tendons) et de déterminer de façon précise la position du corps et du mouvement dans l’espace. La proprioception joue un rôle clef dans le contrôle de l’équilibre. La proprioception diminue avec l’âge, à la suite d’une blessure et dans le cas de fatigue générale et musculaire.

Bienfaits

Une bonne proprioception, principalement celle de la cheville, est une qualité musculo-squelettique des plus importantes. Cette qualité intégrative, appliquée à la cheville, est primordiale dans le contrôle de l’équilibre, et elle s’applique à plusieurs sports, dont le ski de fond.

Des études scientifiques ont démontré le rôle positif d’une bonne proprioception dans la performance sportive. Une bonne proprioception est aussi associée à une vitesse de patinage accrue chez les hockeyeurs et à une plus grande agilité chez les joueurs de handball, soccer, baseball, basketball et volleyball. À l’inverse, un contrôle sous optimal de l’équilibre est associé à diverses blessures, et plus spécifiquement aux blessures liées à la cheville. Il existe une relation claire et bien documentée entre un équilibre instable et une augmentation du risque de blessure.

Exercer la proprioception

La proprioception peut être entraînée. Il existe des techniques passives et actives qui contribuent à améliorer cette qualité sportive. Les techniques passives incluent des exercices sans mise en charge durant lesquels on manipule les stimulus visuels et auditifs. À l’inverse, les techniques d’entraînement dites actives impliquent une mise en charge. Divers exercices comme la planche d’équilibre (wooble board), le taï-chi et le yoga sont aussi efficaces.

Aussi, il existe des preuves que tout exercice d’équilibre pratiqué les yeux fermés est efficace pour améliorer la proprioception. Par exemple, vous pouvez faire des squats avec des charges légères, tout en fermant les yeux. Lorsque l’exercice devient facile, augmentez sa complexité en faisant des sauts stationnaires verticaux, des sauts latéraux ainsi que des « lunges » sautés (position de la fente pour les yogistes). Ces exercices vous aideront à développer vos qualités musculaires de puissance.

Outre ces exercices spécifiques, tout entraînement de musculation contribue de façon significative à améliorer la posture et l’équilibre. Bien sûr, c’est en skiant que l’on devient meilleur skieur. Variez le type de terrain et pratiquez l’entraînement par intervalles. Ce type d’entraînement s’avère plus efficace que le travail en endurance pour améliorer la proprioception. Bref, une autre bonne raison de faire de l’entraînement en intensité.

Bonne saison de ski à vous toutes et tous!

Deux bons articles sur le sujet :

  1. Paillard T. Plasticity of the postural function to sport and/or motor experience. Neurosciences and behavioral reviews. 2017;72:129-152
  2. Han J, et al. The role of ankle proprioception for balance control in relation to sports performance and injury. BioMEd Research International 2015;1-8

 

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Dr Michel White

Professeur titulaire de médecine et clinicien-chercheur à l’Institut de Cardiologie de Montréal, le docteur White s’intéresse aux divers aspects de la santé cardiovasculaire et de la physiologie de l’exercice. Il est aussi un amateur de plein air et un grand aventurier. C’est d’ailleurs lui qui a accompagné, pour la première fois de l’Histoire, un greffé cardiaque dans une ascension en haute altitude, au Mont-Blanc. Sans compter qu’il a aussi skié sur les deux pôles avec des patients greffés du cœur. De manière plus personnelle, le docteur White participe à des courses de longue distance, prend part au marathon canadien de ski de fond annuellement et pratique le vélo de façon régulière.