Ne vous fiez pas aux apparences

Tous les employés de La Cordée sont passionnés de plein air. Régulièrement, ils sont appelés à vivre des aventures qui sortent de l’ordinaire. Un employé du magasin de Laval, Marc-Antoine, nous partage l’une de ses anecdotes d’escalade de glace, au Baxter State Park dans le Maine (États-Unis).

Mes amis et moi avons grimpé la cascade Waterfall du Baxter State Park (États-Unis, Maine) en escalade de glace. Bien qu’expérimentés, nous avons donné la frousse aux rangers…

MILLINOCKET, Maine  ̶  À notre arrivée dans le stationnement du Baxter State Park, après six longues heures de route, nous sortons enfin du véhicule, perplexes. Nous sommes en janvier. Nous avons tout ce qu’il faut pour affronter la neige : skis, traîneaux et détermination. Mais… il n’y a pas de neige. Nous marchons donc sur le gravier pendant quinze minutes avant d’apercevoir finalement une fine couche de glace sur le sentier. Enfin ! nous pourrons sauver ce qui reste de nos traîneaux déjà troués.

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Sur un terrain qui monte, descend, remonte et redescend, mon ami Simon perd une pièce de son traîneau… durant la toute première descente. Incapable de la retrouver même dans peu de neige, l’un de nous quatre, Julien, remplace la pièce manquante avec une vis de table de pique-nique. Nous repartons.

Après quelques descentes, Julien a un éclair de génie: sortir ses skis! malgré le risque de déraper sur la glace… Mais le traîneau qu’il transporte lui pousse dans le dos et, comme il est dans l’impossibilité de contrôler sa direction, son idée ingénieuse prend vite le bord.

Nous arrivons au « bunkerhouse » (refuge) de Roaring Brook, cinq heures et demie de marche plus tard, satisfaits d’être arrivés à destination quoique exténués. Nous avons parcouru 1 km de gravier et 19 km de glace sur 500 m de dénivelé.

ROARING BROOK, mont Katahdin  ̶  La journée débute tranquillement. Le trajet de 5 km pour atteindre Chimney Pond dure deux heures, mais il comporte presque le double de la dénivellation du parcours de la veille.

Rendus à destination, durant la soirée, Julien et moi décidons de grimper Waterfall le lendemain. Nous sortons ensuite profiter de la vue panoramique d’un des quatre cirques glaciaires du mont Katahdin, puis allons préparer notre équipement et nous attendons, fébriles, que les heures s’écoulent blottis dans nos sacs de couchage.

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SOUTH BASSIN, mont Katahdin  ̶  À 7 h, nous remettons aux « rangers » la fiche sur laquelle nous nous sommes engagés à rebrousser chemin à midi. La montée s’amorce sur un terrain croûté de glace. Enfin une surface compacte, sur laquelle il est plus facile d’avancer ! Le but ultime de cette interminable approche est là, devant nous… Nous sortons crampons et piolets, les yeux rivés sur la cascade de glace qui brille au soleil.

Julien grimpe la première longueur de la voie. Je le rejoins et continue, en tête, sur la longueur enneigée pour faire le relai à la base du crux, la portion la plus difficile de la cascade. C’est d’ailleurs cette partie-là qui m’a angoissé toute la nuit. Je m’élance sur la deuxième longueur, en pleine confiance, jusqu’à ce que je pose ma deuxième vis. Tout à coup, je ne me sens plus à l’aise. Mes avant-bras brûlent. Je suis à peine à quinze mètres du sommet de la voie, mais je me rends compte qu’il me manque d’équipement pour la finir. Suspendu dans les airs depuis une trentaine de minutes, je me vois obligé de faire un relai et d’assurer Julien. C’est lui qui traverse les parapluies de glace et qui a la chance d’arriver en premier en haut de Waterfall.

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12 h 15 – En principe, nous devrions faire demi-tour pour respecter l’horaire convenu avec les rangers (ou, du moins, c’est ce qu’ils ont compris). Mais nous continuons jusqu’à la crête, au sommet du mont, et nous enchaînons avec la suite, encordés, en grimpant en simultanée pour gagner du temps. En m’arrêtant pour reprendre mon souffle, j’entends mon ami mentionner « rangers ». Je réalise alors qu’ils n’ont plus de nouvelles ni de contact visuel avec nous depuis quelques heures et qu’en plus, nous serons sûrement en retard.

Nous ne sommes pas des amateurs. Mais jusqu’ici, nous en avons l’air. Les rangers n’arrivent pas à entrer en communication avec nous par walkie-talkie et leur localisation ne leur permet plus d’avoir de contact visuel avec notre groupe. Même si nous rebroussions chemin (et la question ne se pose pas), nous serions en retard. A-t-on déjà déclenché l’alerte pour venir nous chercher ? Nous devrions vraiment faire demi-tour. Mais l’envie d’atteindre le sommet est plus forte que nous.

Nous atteignons le sommet, où le vent glacial fait rage. Puis, nous déguerpissons en traversant le Knife Edge pour retrouver au plus vite la chaleur du bunkerhouse. Au refuge, nous réalisons que nous avons fait vivre un matin plutôt stressant aux rangers, qui avaient compris que nous atteindrions le sommet du mont, et non le sommet de la cascade, à midi. Oups…

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Une alerte n’a pas été déclenchée. Malgré notre retard et l’inquiétude causée, nous sommes tout de même les premiers grimpeurs rentrés. Les rangers nous en voudraient de célébrer notre performance, mais entre nous, avouons-le : on est vraiment forts et pas aussi amateurs qu’on en avait l’air.