Vous souvenez-vous de vos premiers vrais coups de pédale? Quand je dis « vrai », je veux dire le moment où vous avez pris conscience de la distance qu’il était possible de parcourir sur cet engin qui n’était jusqu’à maintenant qu’un simple jouet. Au tout début, celui-ci n’avait que trois roues. Ensuite, il s’est transformé en quatre roues pour finalement se convertir sur deux roues.
Soudainement, s’ajoute à votre engin la poussée ultime de papa! Celle qui, après plusieurs égratignures à tomber dans les framboisiers, vous propulse vers le premier sentiment de liberté et qui, tel un chat, agrandit le territoire de votre voisinage. Cette première poussée vous permet d’aller rendre visite au voisin qui habite un peu plus loin. Votre monture vous fait sentir autonome pour une des premières fois de votre vie et vous transporte où bon vous semble, avec bien sûr la permission de papa et de maman. Après quoi, on vieillit et ce petit bout de ferraille devient un peu moins attrayant. L’attirance du quatre roues et du moteur à l’énergie fossile devient incontournable, LA nécessité. C’est cool avoir un « char », ça coûte cher, mais c’est essentiel dans notre tête d’adolescent.
Puis un jour, pris d’une soudaine nostalgie, on aperçoit au fond du sous-sol ce bout de ferraille qui nous remémore tous ces moments passés à prendre le temps de vivre, à jouer dehors. On retourne donc chez le vélociste du coin afin d’acheter un nouveau jouet. Celui-ci est beaucoup plus léger. En plus, il possède des vitesses! Ce jouet se transforme du jour au lendemain en loisir. On passe désormais nos fins de semaine à faire des randonnées par-ci, par-là, toujours de plus en plus loin. On achète un cyclomètre, afin de connaître les distances qu’on parcoure en un après-midi et on se surprend soi-même. On y trouve une certaine fierté, surtout lorsque les gens autour de nous disent : « Wow, je pense que ça me prendrait trois jours pour faire ce que tu as fait en quatre heures! ». On se sent de plus en plus libre sur cet engin qui n’était, à la base, qu’un joujou de fin de semaine. Si bien que l’on prend le risque de se rendre à son travail à bicyclette. C’est à ce moment que ce bidule reprend sa fonction de moyen de transport, comme lors de notre enfance. Toutefois, c’est différent maintenant.
Vous regardez les gens dans leurs voitures, esclaves des embouteillages, et il vous vient un petit sourire intérieur qui vous fait constater que ce nouveau moyen de transport vous rend la vie beaucoup plus agréable lors de vos déplacements, surtout quand vient le temps de trouver un stationnement.
Vous décidez alors de faire une visite à vélo chez vos parents qui habitent à 100 km dans la campagne, question de vous mettre au défi. Seulement, il vous faut apporter quelques vêtements de rechange puisque vous y passerez la fin de semaine. Vous retournez donc chez votre vélociste afin de vous équiper en petites sacoches arrière et, pourquoi pas, une sacoche de selle. Et là, la bicyclette devient le Vélo! Vous vous intéressez à sa mécanique, vous cherchez des livres qui parlent de son histoire, vous achetez des magazines qui y racontent des aventures, vous lisez des blogues de gens un peu fous qui décident de tout lâcher pour ne vivre que sur cette petite reine. Vous découvrez le cyclotourisme. Vous faites alors vos premiers voyages au Québec pour ensuite faire de courts séjours dans les vieux pays.
Puis, survient le moment que vous attendiez depuis toujours. Vous rencontrez la femme de votre vie. Vous la rencontrez dans un salon du vélo. Vous avez la même passion. Vous projetez de faire ensemble, un jour, un long voyage à vélo. Pas un périple de deux semaines ou d’un mois. Non. Une aventure d’une durée indéterminée!
Soudainement et sans trop vous en rendre compte, vous avez acheté votre billet de train et vous partez, vélo en boîte, pour le sud des États-Unis. Wow! Vous n’avez plus à vous préoccuper du casse-tête des autobus qui vous emmènent, la plupart du temps, aux villes desservies que par ces derniers.
La découverte du monde sur deux roues! Les gens vous sourient et viennent vous parler comme si vous étiez un touriste différent. Ils vous abordent d’une façon qui vous fait sentir unique et authentique. Les petits attraits sans importance prennent des allures exceptionnelles. Le simple petit ruisseau prend soudainement l’apparence d’un reportage sortit tout droit du dernier numéro de National Geographic alors qu’une dizaine de chevreuils mulet sortent de nulle part et passent devant vous au moment où vous mangez votre petite pochette lyophilisée. Vous découvrez votre amoureuse comme vous ne l’aviez jamais vue. Ce n’est pas qu’une découverte touristique. C’est aussi une exploration de soi. C’est l’apprentissage de vivre et de penser différemment. C’est découvrir le visage du monde qui est beau! C’est posséder le strict minimum et constater qu’il vous permet de vivre au maximum! Pas étonnant que vous reveniez alors de cette expérience un peu ébranlé. Pourtant après avoir accumulé plus de 11 000 km dans les jambes et passé sept mois sur la route, vous avez deux choses en tête:
- Merci papa pour cette première poussée!
- Merci à vous tous de nous avoir suivis tout au long de notre aventure.
Pour nous, ce n’est que le début d’une belle épopée!