Apprivoiser la solitude en voyage

« Ne t’ennuies-tu pas à voyager toujours seul? », me demande-t-on fréquemment. En gros, non. En fait, on me pose si souvent cette question que j’en viens à avoir du plaisir à y répondre. Comme dans ce podcast où j’invente que ma personnalité est si belle que c’est la raison pour laquelle je ne m’ennuie jamais en ma présence… !

Ma réponse n’est pas aussi ridicule qu’elle puisse paraître. Voyager seul permet de passer beaucoup de temps avec soi-même. Surtout à vélo! Ce n’est pas juste un mythe, voyager seul contribue vraiment à se connaître et à se faire confiance. Voici donc quelques avantages, inconvénients et trucs pour voyager seul… et heureux.

Les avantages

Nous sommes constamment entourés à la maison : en couple, à l’école, au bureau, en famille. Pourtant, le temps passé seul permet de nous motiver intellectuellement : apprendre un instrument, lire, dessiner. Je suis convaincu que sans ces longues heures passées en selle à réfléchir, à prendre des notes sur ce que je vois, et à m’arrêter quand je le veux pour parler aux gens sur ma route, je n’aurais jamais pu écrire un livre. Accompagné, je n’aurais pas autant remarqué les détails des paysages que je traverse et je n’aurais pas fait les mêmes rencontres.

Voyager seul permet aussi d’être entièrement maître de son parcours. Chaque embranchement implique une nouvelle prise de décision. Chaque commande au restaurant, dans un pays étranger, est un défi potentiel.

Voyager seul permet de ne faire aucun compromis sur son itinéraire et de prendre du temps pour soi.

Selon moi, cependant, le plus bel avantage de voyager en solo, c’est l’ouverture aux autres. Il est tellement plus facile de se faire inviter un peu partout quand on est seul. On est moins menaçant, et les gens nous abordent ainsi davantage. On reçoit aussi plus d’invitations, car il coûte moins cher d’inviter une seule personne  à manger ou à dormir une nuit ou deux. Enfin, quand les gens que je croise ignorent les langues que je parle, ils m’abordent sans cette barrière. Puis, nous nous débrouillons pour le reste de la conversation!

Les inconvénients

Bien sûr, voyager seul n’est pas toujours parfait. Traverser un désert ou grimper un col à vélo demande beaucoup de force mentale, surtout lorsqu’on n’a personne avec qui partager le défi. J’aimerais parfois pouvoir partager mon quotidien, de la routine aux moments épiques, avec quelqu’un pour créer des souvenirs communs.  Sans compter qu’immortaliser de beaux moments est bien plus aisé quand on a une autre personne pour nous prendre en photo.

Prendre ses propres photos demande parfois de traverser l’eau pour poser son trépied, revenir sur ses pas et jouer le comédien devant son propre appareil.

Aussi, il m’est arrivé à quelques reprises d’être assez malade et faible pour perdre connaissance. Un comparse pour m’aider aurait été le bienvenu dans ces cas-là. (Encore aurait-il fallu qu’on n’ait pas mangé exactement la même nourriture insalubre!)

Quelques trucs

Au fil des années sur la route, j’ai néanmoins trouvé un équilibre entre voyager seul et avec d’autres. Je rencontre à l’occasion des gens avec qui je décide de rouler un peu. Évidemment, les auberges de jeunesse sont aussi pleines d’amis potentiels. Des membres de ma famille ou des vieux amis viennent parfois du Canada pour joindre leurs coups de pédale aux miens pendant quelques semaines.

Seul ou accompagné, j’écoute néanmoins des podcasts probablement 98 % du temps. Il existe un choix presque infini d’émissions téléchargeables. Avec une bonne sélection, on ne s’ennuie jamais.

J’achète aussi des cartes SIM dans les pays que je traverse. Souvent plus vites que les connexions Wi-Fi locales, elles coûtent une fraction du prix que l’on paie au Canada. Je n’achète que des données qui me permettent de demeurer en contact avec mes proches via Messenger, WhatsApp, Facetime ou autre.

Un drone est aussi un bel outil (et un beau jouet!) pour se prendre en photo. Ici, je suis au centre du Chili.

Je communique localement avec des signes, des photos sur mon téléphone et j’utilise parfois Google Traduction. Et j’embrasse les défis. Je prends plaisir à aller me faire couper les cheveux là où je ne parle pas la langue. J’apporte une photo du look que je veux, mais la plupart du temps, c’est le barbier qui décide ce qu’il veut faire. J’apprends donc à lâcher prise sur ce que je ne peux contrôler.

J’apprends à être bien avec moi-même. Et à force de me parler dans de longs moments de silence, je commence, en effet, à trouver que j’ai une assez belle personnalité… !

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Auteur du populaire livre « Histoires à dormir dehors » (Vélo Québec Éditions), Jonathan B. Roy est aussi photographe, diplômé en génie et en droit, et musicien. Ce touche-à-tout accomplit depuis mars 2016 lentement le tour du monde à vélo, et collectionne sur sa route les rencontres, les aventures et les histoires les plus invraisemblables. Avec plus de 30 pays traversés, il ne manque certainement pas d’inspiration ni de conseils !

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