Jeunes Karibus : 141 km d’aventure entre Kuujjuaq et Tasiujaq

Un prédépart rocambolesque

Mercredi 18 mars 2015 : plus que quelques heures avant le départ. Un de nos guides locaux, Albert Grist se fracture la hanche. Il ne pourra prendre part à l’expédition. Billy May, le guide en chef, se met à la tâche pour trouver non pas un, mais deux guides remplaçants. Il est décidé que trois guides, dont deux qui suivront à motoneige, accompagneront le groupe afin d’en assurer son entière sécurité. Loin de tout, lorsqu’une motoneige fait défaut, les risques sont rapidement décuplés. Ainsi, personne ne veut courir de risque.  Ce sont Louisa Annanack et Billy Watt qui se joignent à l’équipe.

20h30 : Les derniers préparatifs sont en cours à l’école lorsque Willie, l’un des jeunes participants à l’aventure, arrive accompagné de sa mère et nous annonce qu’une de ses dents le fait souffrir. Sa participation à l’expédition est alors annulée.

Ouf, beaucoup de bouleversements en peu de temps, heureusement, tout semble être en place pour le succès de l’expédition.

C’est parti!

Jeudi 19 mars 2015, 8h00 : l’équipe s’assure que tout l’équipement soit bien chargé. Les traîneaux des motoneiges sont prêts à être tractés. La soupe est distribuée dans les thermos de chacun. C’est le moment de plonger dans l’aventure. Le soleil se fait timide, mais les encouragements eux, sont chaleureux. Parents, amis, élèves et autres partisans sont rassemblés à l’embouchure du Lac Stewart pour souhaiter une bonne route aux skieurs. Après quelques embrassades émouvantes, le maire du village, M. Tunu Napartuk, prend la parole au nom de la communauté pour une prière adressée aux Jeunes Karibus. Puis, tous sautent sur leurs skis et traversent une haie d’honneur formée par les autres élèves de l’école Jaanimmarik. C’est parti! Gonflée à bloc, l’équipe de fondeurs s’élance sur la route de Tasiujaq.

Première journée, première remise en question

Rapidement, le soleil s’invite. Dans des conditions parfaites, les premières heures à glisser sur les pistes auront été enivrantes pour certains, éprouvantes pour d’autres. Malgré les longues séances d’entraînement de ski, transporter un traîneau sur de grandes distances demeure un défi supplémentaire. Dès la première journée, les mouvements répétitifs font ressortir de petites douleurs musculaires et provoquer l’apparition progressive d’ampoules aux pieds. Certains participants, découragés, ont tout de suite remis en question leur capacité à compléter l’expédition, voyant l’objectif comme étant insurmontable.

Une étape à la fois

C’est donc avec rapidité que l’équipe d’accompagnateurs doit s’atteler à encourager les jeunes skieurs à voir le projet, non pas dans sa globalité, mais plutôt par étapes. Il faut d’abord penser à skier une demi-journée à la fois, plutôt que de se projeter à l’objectif final, et de penser à tout le trajet à parcourir pour s’y rendre.

Sous les mots d’encouragement, tous terminent la première journée fiers d’eux et déjà prêts pour la seconde. Une soirée joviale et divertissante à la cabine et aux alentours de celle-ci contribue à conserver une motivation élevée parmi les participants.  Après ce bref épisode de doute, les Jeunes Karibus ne remettent plus jamais en question leur succès. Chaque matin, ils se lèvent et enfilent leurs skis, fixent leur traîneau à la taille et affrontent la nouvelle journée le cœur gonflé de fierté et de volonté.

En marche

Le jeu- au cœur de l’expédition

Tout au long de leur périple, les jeunes ne perdent jamais le désir de jouer et surtout l’énergie pour le faire. Entre les joutes de tag pendant les pauses-dîner et les glissades en traîneau en soirée, il y a de nombreuses parties de cartes et de cachettes.  Cette énergie permet de garder tout le monde au chaud pendant les moments moins actifs, mais surtout, fait rayonner les visages et éclore les fous rires.

Quand les arbres disparaissent et que le vent s’en mêle

Lors des jours cinq et six, le groupe dépasse la limite des arbres. Les Jeunes Karibus se retrouvent donc dans la toundra, soumis aux aléas de dame nature. Malheureusement, le vent  souffle sans cesse pendant ces deux journées. Il est donc primordial de demeurer dans un noyau serré puisque la visibilité est très limitée et que le bruit du vent rend la communication difficile. Ce fameux vent provient du nord-ouest, c’est un obstacle immense pour tous. Étant donné la force des bourrasques, qui peuvent parfois atteindre les 80 km/h, nous décidons d’installer le campement dans un secteur boisé. Ainsi, l’équipe doit parcourir 25 km durant la sixième journée pour se réfugier à nouveau sous le couvert de la forêt.

 

Les Jeunes Karibus démontrent alors qu’ils sont de véritables guerriers. Ils se battent corps et âme contre les forces de la nature sans jamais abdiquer. Ils démontrent une ténacité bouleversante. Vers 15h30, les guides en ski et en motoneige se rassemblent pour dresser un portrait de la situation. Le groupe n’en est qu’à la moitié du parcours prévu alors qu’il devrait être sur ces derniers kilomètres. Pour la sécurité de tous, il est donc décidé d’abréger la journée de ski pour transporter les skieurs au campement avec l’aide des motoneiges.

Les nuits

Toutes les nuits des Jeunes Karibus se passent au chaud. Le parcours a été judicieusement choisi, entre autres, pour l’accès à de nombreuses cabines en cours de route. Ainsi, bien que la majorité des nuits soient passées entassés dans de très petites cabines appartenant à la Corporation Foncière du Nunavik, deux d’entre elles se sont passées sous le tupik, la tente traditionnelle inuite. Ces moments empreints de tradition restent des moments forts et rassembleurs de l’expédition, car tous ont dû mettre la main à la pâte pour couper des branches qui ont été utilisées comme protection contre le froid sur le sol et pour chauffer le poêle pendant la nuit.

Une arrivée touchante

L’arrivée des Jeunes Karibus s’est faite après 7 jours de ski et 141 km d’efforts. L’expédition a été complétée en une journée de moins que prévu, étant donné l’avancement en motoneige. À Tasiujaq, l’école entière attendait impatiemment l’équipe de fondeurs. Quelques-uns ont même chaussé leurs skis pour les derniers instants. C’est sous un tonnerre d’applaudissements et sous de nombreuses banderoles que l’arrivée s’est déroulée.

 

Et la suite?

L’objectif de rejoindre Tasiujaq en ski à partir de Kuujjuaq a été accompli pour cette première édition du Projet Jeunes Karibus. Néanmoins, le cours d’option Plein Air se poursuit et d’autres petits défis seront au programme pour les élèves, telle une expédition en vélo par exemple.

Le Projet Jeunes Karibus était un projet pilote, son objectif est aussi d’atteindre les élèves des autres villages. Nos sept braves ont su inspirer plusieurs autres élèves du Nunavik qui ont maintenant envie à leur tourde relever un défi en ski , et ce, dès l’année prochaine. Un projet conjoint entre quelques villages du Nunavik, dont Kangirsuk, Tasiujaq et Kuujjuaq, devrait donc avoir lieu l’hiver 2015-2016.

 

Du début à la fin, Jeunes Karibus a été une grande leçon de solidarité, de ténacité et de persévérance. Ce fut également le premier pas vers une éducation alternative novatrice. Tous peuvent maintenant être très fiers du chemin accompli!