Au Nunavik, bien que le froid soit sidérant et que le territoire soit vaste et sauvage, les habitants de Kuujjuaq ont l’habitude de se rendre en motoneige à Tasiujaq, moyennant quelques bidons d’essence et environ cinq heures de leur temps. Ce printemps 2015, un groupe de Kuujjuamiut devront mettre huit jours pour franchir cette même distance munis de leurs skis de fond.
C’est le jeudi 19 mars que huit jeunes Inuits âgés de 13 à 17 ans originaires de Kuujjuaq ont enfilé leurs vêtements chauds et leur équipement de ski de fond pour un périple de plus de 130 km dans la toundra arctique. Leur destination? La communauté voisine au nord, Tasiujaq. Une première au Nunavik, l’expédition Jeunes Karibus fait honneur à la persévérance sous tous ses angles. L’équipe Jeunes Karibus de l’école Jaanimmarik est accompagnée par leur enseignante, Valérie Raymond, un éducateur spécialisé, Maxime Saunier, ainsi que leur mentor, Marie-Andrée Fortin. À cette aventure, se sont ajoutés deux guides locaux, Billy May et Albert Grist.
La source d’inspiration
Le projet Jeunes Karibus est né du Projet Karibu, la grande traversée en ski de fond de Montréal à Kuujjuaq par quatre guides de plein air qui se déroula entre décembre 2013 et mai 2014.
Tout au long de l’aventure, les étudiants de l’école Jaanimmarik ont suivi avec engouement la progression de l’expédition. En mai dernier, juste avant l’arrivée des quatre skieurs, un groupe d’élèves s’est joint à eux pour leur dernière journée du trajet. Une expérience sans précédent, qui, mêlée à la passion et à l’enthousiasme des guides Jacob, Sébastien, Bruno-Pierre et Marie-Andrée, a constitué l’étincelle du projet Jeunes Karibus.
Lors de la rentrée des classes en août 2014, Maxime Saunier et Valérie Raymond sentaient l’enthousiasme toujours aussi réel et même grandissant des élèves pour le Projet Karibu. Ils souhaitaient à leur tour faire vivre une expédition en ski de fond à un groupe d’élèves. Le projet a été présenté à la communauté, puis aux parents et aux élèves. C’est ainsi qu’un groupe de jeunes bien motivés a été formé.
Dans le cadre du cours Option plein air, les élèves ont participé à chacune des étapes de leur expédition, soit la logistique, l’entraînement, ainsi que le développement de la coopération. Au fil des semaines, les 8 jeunes Karibus ont dû améliorer leur condition physique et particulièrement leur endurance sur de longues distances en pratiquant une variété d’activités sportives. Le ski de fond sera néanmoins demeuré la pierre angulaire de leur préparation dès l’arrivée des premiers flocons à l’automne.
Ensemble, les élèves ont appris à découvrir les secrets de ce sport encore méconnu des Nunavimmiuts. Considérant que la plupart d’entre eux avaient très peu d’expérience en ski de fond, la base de leur entraînement aura été d’apprendre à se tenir de façon stable sur des skis, puis à monter et à descendre une colline prudemment. Chose certaine, les chutes auront été multiples et les fous rires abondants! Des exercices tournés vers la collaboration comme s’orienter au milieu de la toundra les yeux couverts ou encore participer à une course au trésor muni d’un GPS auront permis de peaufiner leurs techniques de survie et de bâtir des amitiés inébranlables.
L’équipe Jeunes Karibus a eu également la chance unique de compter sur Marie-Andrée Fortin, membre du Projet Karibu et leader du Club de ski de fond de Kuujjuaq depuis janvier 2015. Véritable mentore, elle aura su appliquer son expertise pour consolider les apprentissages et assurer le bon déroulement de l’expédition.
Bien plus qu’un défi sportif
Jeunes Karibus, c’est aussi une occasion pour les jeunes Inuits de renouer avec leur territoire et de l’admirer sous un nouvel œil. Leurs ancêtres qui ont été nomades pendant des millénaires se déplaçaient au rythme des saisons et des animaux. À cette époque, ils circulaient à pied, en traîneaux à chiens ou encore en kayak. Depuis ce temps, les Inuits se sont sédentarisés dans quatorze villages répartis sur les côtes de la baie d’Ungava et de la baie d’Hudson. Les véhicules motorisés ont alors fait leur apparition. Ainsi, les jeunes du Nunavik pratiquent encore la chasse et la pêche dans chacune de leurs communautés, mais aujourd’hui ils s’y rendent en motoneige, en véhicule tout-terrain ou encore en bateau. Grâce à cette expédition, les jeunes pourront apprécier leurs propres territoires, leurs paysages et leurs richesses d’un tout nouveau regard. Une découverte lente et exigeante physiquement, mais hautement gratifiante.
Outre à la réconciliation avec la nature, le mode de vie sain est également à la base de Jeunes Karibus. Au fil des semaines, deux élèves qui fumaient depuis quelques années ont mis fin à cette habitude nocive pour leur santé. Comme quoi des activités sportives régulières et une alimentation saine permettent de se sentir mieux dans son corps et dans son esprit.
Le nerf de l’aventure : la persévérance
Dans la toundra, quand les arbres font défaut, l’immensité du territoire donne parfois l’impression de faire du surplace. Au cours de ce voyage, tous devront donc puiser au fond d’eux-mêmes une motivation intrinsèque pour atteindre la communauté voisine.
La persévérance scolaire, la persévérance personnelle, la persévérance sportive, la persévérance coopérative, tout le lexique du mot persévérance se retrouve dans le projet Jeunes Karibus. Même si le taux de décrochage au Nunavik est le plus élevé au Québec et que l’isolement dans l’étendue nordique donne parfois l’impression que l’éducation est vaine, Jeunes Karibus est une initiative qui fait un pas de plus pour offrir une perspective originale sur l’éducation, développer un sentiment d’appartenance à l’école et une motivation à y terminer ses études. Le désir de réaliser un rêve, de développer une passion, de se surpasser et d’atteindre un objectif audacieux : Jeunes Karibus!
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