L’hiver à vélo avec des pneus cloutés – un témoignage

Si on me demande mon avis, je peux vous dire que je suis un fervent utilisateur de pneus cloutés en saison hivernale. En tant que cycliste, mes premiers hivers à Montréal se sont passés en sécurité relative, mais je ne vous cacherai pas qu’à chaque hiver, j’ai eu droit à quelques malheureuses chutes sur la glace. Rouler l’hiver, c’était un peu comme jouer à la roulette russe : rouler parfois en toute sécurité et parfois sur le bord de la catastrophe, yeux plissés, dents grinçantes, fesses serrées, prêt à me faire renverser dans la rue parce que la chaussée est trop glissante. Le pied gauche (ou droit) flotte souvent au-dessus de la pédale, prêt à darder le sol dans l’anticipation d’une nouvelle menace qui se cache sous la neige… encore une foutue plaque de glace qui veut ma peau!

Dans ma tête de cycliste d’hiver aguerri, j’avais accepté ce sort, l’associant au prix à payer pour rouler dans des conditions pourries. « Si je tombe, c’est que les autres tombent aussi, alors je ne suis pas seul dans ma misère. » Par contre, une chute affreusement douloureuse qui m’avait presque déboîté l’épaule gauche survenue au début d’avril 2012 m’a convaincu que je devrais songer à investir dans une paire de pneus cloutés.

Et c’est exactement ce que j’ai fait. Et quel timing impeccable – car mes deux premiers hivers avec des pneus cloutés, on parle des deux hivers là où le froid et la glace ont pulvérisé tous les records depuis 100 ans au Québec. L’hiver 2013-2014 a connu une abondance de glace à tout casser, idem pour l’hiver 2014-2015. Ceci dit, voilà pourtant les deux premiers hivers où j’ai eu un plaisir incalculable avec mon vélo de ville équipé de pneus cloutés. Le stress, la peur, l’incertitude de la qualité d’accroche sur la chaussée… fini! Sur la chaussée propre et sur la glace, mon vélo se comportait comme si la glace n’y était pas. Incroyable! Jamais je n’aurais deviné que la différence pourrait être aussi marquante.

Pour en avoir le cœur net, je me suis même laissé tenter par une authentique patinoire aménagée dans le parc Laurier, sur mon chemin. La patinoire scintillait sous le soleil comme la nacre d’une coquille, parfaitement polie par la surfaceuse qui était passée la veille. Un terrain de jeu idéal pour mettre à l’épreuve mes pneus munis de clous. Allons-y!

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Je donne un léger coup de pédale et mon vélo embarque sur la patinoire, les clous mordent dans la glace et je garde le contrôle en tout temps. Tourner le guidon en roulant pour changer de direction sur la glace polie? Ça va, et ça tient! Suite à trois tours de piste sur la glace, mon essai est concluant et j’en ressors absolument ébloui quant à l’efficacité des clous. Quelques regards consternés et perplexes des piétons me font comprendre que OUI, il faut être dingue pour tenter un truc pareil. Mais quand on est équipé de pneus cloutés… peut-être pas tant que ça. Reste alors à mettre cet avantage à l’épreuve dans une utilisation quotidienne lors de mes allées et venues dans la ville. Pas compliqué à faire lorsqu’il y a plus de glace que de bitume! Les clous font leur travail, un kilomètre à la fois.

Dire que j’ai réussi à rouler sans chuter la saison entière lors de l’hiver de 2013-2014, ce n’est pas des pacotilles. Cet hiver-là, les cyclistes ne l’oublieront pas de sitôt, avec sa moyenne de température dans les alentours de -18°C, avec la tempête de verglas en début janvier qui avait maudit le Grand Montréal avec d’énormes plaques de glaces qui n’ont pas fondu avant le début du mois de mars. Moi par contre, j’en ai fait une partie de plaisir avec mes pneus cloutés. À chaque sortie de vélo, j’avais l’impression d’être en train de tricher… de me payer la tête de Dame Nature. Et plus tard, un tout petit sentiment de plaisir coupable s’est installé en moi lorsque j’observais mes confrères cyclistes s’écraser la figure à gauche et à droite, sur la glace.

Zwizzzzzzzzzz… PLAF! Ouille!
Shhhhhhkssssss… PLASTRE! Aille!
Zip-zip-flouizzzzzzzzz… SBLONK! Et m*rde!

Ce ne sont plus des cyclistes, c’est d’la chaire de canon à deux roues!

Ah, mes pauvres malheureux, si j’en avais les moyens, je vous payerais tous une paire de pneus cloutés. Mais hélas, je ne suis qu’un simple passionné du vélo… qui a compris que ma peau, je l’aime mieux sur mon corps que dans la rue.