L’aventure, une affaire de crinqués, de riches ou d’athlètes? Assurément pas! Découvrez ici des gens tout à fait normaux qui ont décidé de se lancer dans des aventures extraordinaires.
C’est sur la Carretera Austral, cette mythique route au sud du Chili que ça m’a frappé. Pratiquement n’importe qui peut partir à l’aventure. Comme jamais auparavant, j’ai rencontré, sur cette longue route de 1240 km à moitié en gravier, des gens qui m’ont fait sentir absolument ordinaire. Des gens pour qui l’âge, le manque d’expérience ou la présence d’enfants n’a pas été un frein, mais une motivation supplémentaire pour se lancer dans l’aventure.
Sur un coup de tête
Au moins la moitié des cyclistes qui se trouvent sur la Carretera ne sont pas des tour-du-mondistes ou des cyclovoyageurs aguerris. Ce sont souvent des couples ou des amis qui, une fois rendus dans cette région chilienne, ont planifié (ou décidé sur un coup de tête) de se louer des vélos pour vivre une aventure différente. C’est le cas de Lenka, une jeune Tchèque qui n’avait pas embarqué sur un vélo depuis son enfance et qui a décidé de traverser toute la Carretera à vélo. Une traversée dans la pluie, sur du gravier, avec de longues montées et un vieil équipement acheté à bas prix. Je l’ai rencontrée la journée avant qu’elle commence son aventure. J’étais convaincu qu’elle (ou son équipement) n’y arriverait jamais : aucune expérience, seule et dans ces conditions difficiles… J’avais tort. Elle a non seulement parcouru toute la route, mais elle a décidé de continuer! Elle planifie maintenant ajouter quelques milliers de kilomètres à sa vieille bécane et remonter jusqu’en Équateur ou en Colombie. « Je ne sais comment j’ai pu voyager aussi longtemps d’une autre façon qu’à vélo », m’a-t-elle écrit, charmée par son nouveau moyen de transport.
Jamais trop tard
Si certains cyclistes viennent de découvrir les plaisirs de voyager à vélo, d’autres ont autant de kilomètres au compteur que de rides au visage. C’est notamment le cas de Dafydd, un souriant Gallois de 67 ans, en voyage depuis quelques mois en Amérique du Sud. Nos chemins se sont croisés alors qu’il montait lentement une longue côte à pied en poussant son vélo. En voyant la dizaine de symboles et de drapeaux gallois posés sur son vélo et son équipement, je n’avais d’autre choix que de m’arrêter pour lui parler.
Dafydd avait comme objectif de visiter les quelques vieilles colonies galloises situées dans l’est de l’Argentine en prenant son temps et en suivant ses cartes en papier. Puis tant qu’à être rendu, il s’est dit qu’il allait pédaler quelques milliers de kilomètres de plus. Ça fait déjà trois mois qu’il se promène seul à travers les montagnes et les prairies. Il m’a dit qu’il trouvait parfois l’aventure difficile, mais qu’il aimait tellement ça qu’il prévoyait revenir l’an prochain. Et cette fois, il comptait bien convaincre son épouse de l’accompagner.
En famille
Peut-être la raison la plus souvent citée pour cesser ou s’empêcher de voyager, c’est la présence d’enfants. Ce n’est manifstement pas le cas pour Gwenaël et Pascal, un couple de Bretons qui se promène présentement à vélo en Amérique du Sud avec leurs trois jeunes filles. Le quintette et leurs nombreux bagages sont installés sur deux tandems et un petit vélo. La décision de prendre une année sabbatique de découvertes a mûri 5 ans dans la tête du couple, et les enfants ont fait partie de la décision. Il faut dire que depuis leur naissance ou presque les filles, qui ont aujourd’hui 6, 8 et 10 ans, ont été habituées à voyager à vélo.
Gwenaël me raconte qu’ils n’ont pas d’itinéraire fixe et qu’ils roulent au gré des rencontres et des points d’intérêt. L’important est de vivre une aventure en famille et de faire découvrir la nature et d’autres cultures aux filles. Celles-ci ont d’ailleurs la chance de fréquenter pour quelques jours diverses écoles sur leur route. Et comme tout cyclovoyageur, Gwenaël ajoute qu’ils apprennent ensemble à être « proches de la nature, [à comprendre] dans [leur] corps ce que veut dire la météo, l’altitude, les déserts, les distances… ». Je gage que ces trois jeunes filles n’auront pas peur de grand-chose à leur retour à la maison.
On peut suivre la famille sur leur blogue de voyage.
À roulettes
Pour un aventurier à vélo comme moi, rencontrer d’autres cyclovoyageurs fait presque partie de mon quotidien. Puis, comme on trouve toujours plus fou que soi…
J’ai rencontré Adrian Oh dans une vieille cabane de la Terre de Feu argentine. L’enseignant singapourien de 36 ans fait le tour du monde… en planche à roulettes!
Sur la route depuis bientôt 2 ans, il est déjà rendu à plus de 25 000 km de coups de pieds sur l’asphalte. De son pays d’origine, il a promené sa poussette pour enfants contenant tous ses bagages à travers la Malaisie d’abord, puis il a remonté l’Asie du Sud-Est jusqu’à Hong Kong. De là, il s’est envolé pour l’Europe, où il a trottiné de Berlin aux Pays-Bas avant de redescendre par la Belgique et la France jusqu’en Espagne, où il a fait le chemin de Compostelle. Sans compter qu’il est ensuite descendu de Vancouver à la Terre de Feu, dans la pointe sud de l’Argentine.
Adrian sourit et s’esclaffe sans arrêt. Le devant de son visage est tellement bronzé qu’il a presque l’apparence du cuir. Le derrière de son cou est plus pâle, probablement parce qu’il roule vers le sud depuis des mois en faisant constamment face au soleil. « Mais pourquoi en skateboard ?», lui ai-je demandé. « Bien… j’aime le skateboard, et j’aime voyager! », m’a-t-il répondu simplement.
On peut suivre les aventures d’Adrian sur sa page Facebook.
Et vous, ça vous inspire?
Photo d’en-tête : Mon ami allemand Freddy, à côté du toujours souriant Adrian, un singapourien faisant le tour du monde en planche à roulettes.
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