Moi qui croyais être en forme

Ma première participation au Marathon Canadien de Ski

La fin de semaine du 9 et 10 février a eu lieu le mythique Marathon Canadien de Ski (MCS), une classique de ski de fond sur deux jours qui se targue d’être le plus long et le plus vieil événement de ski de fond en Amérique du Nord. Voici le récit de ma première participation à cet événement d’une cruelle beauté hivernale.

Samedi 9 février, 4 h du matin. Le cadran sonne. Comme avant toute bonne aventure, je dors mal à cause de l’excitation et du lever du corps qui se fait de très bonne heure pour profiter au maximum du jour qui vient.

Mes comparses et moi, on ingère du café fort et des crêpes nappées de sirop d’érable. Ensuite, c’est le moment tant attendu de rejoindre la ligne de départ. Ça fait trois ans que j’en rêve, et là, c’est vrai!

Il fait encore nuit et la matinée est particulièrement froide. Le genre de froid qui fait que les feuilles de rhododendrons sont entortillées sur elles-mêmes comme si elles essayaient de garder leur chaleur. Comme si elles essayaient d’imiter les humains emmitouflés dans leurs couvertures. Et pourtant, à la ligne de départ, il y a une excitation monstre dans l’air. Tout ça sous les multiples feux d’artifice qui annoncent le début de l’épopée.

Créé en 1967, sous l’impulsion du skieur olympique Donald MacLeod, le défi, connu sous  Centennial Marathon Ski Tour a vu le jour à l’occasion du centenaire de la Confédération canadienne, d’où son nom d’alors et ses origines plutôt anglophones. Le signal du premier départ était donné en faisant exploser un simple sac en papier brun.

Les skieurs partaient de Pointe-Claire et se rendaient ensuite à Lachute avant de traverser la rivière des Outaouais pour finir leur chemin vers Ottawa en passant par l’Ontario. Le tout en trois jours. À l’époque, seuls neuf skieurs avaient atteint l’arrivée, mais des centaines de participants avaient dévalé diverses portions du trajet. Déjà, l’âme du MCS était présente : ce n’était pas une course, on ne couronnait aucun gagnant. C’était seulement des humains qui jouaient dehors. L’affiche de la première édition annonçait d’ailleurs que l’événement était ouvert aux équipes, familles et individus. Plusieurs des grands aventuriers et sportifs québécois ont aussi, un jour ou l’autre, parcouru les pistes du MCS, dont Richard Weber (vingt fois champion national de ski de fond, grand aventurier du nord), Pierre Harvey, Pierre Lavoie, François-Guy Thivierge et Herman Smith-Johanssen, dit Jackrabbit, le plus important pionnier de ski du nord-est canadien. Donc, lorsqu’on prend le départ de cet événement, on sait qu’on s’engage vraiment dans une épopée.

Je digresse, car si l’esprit peut penser à l’héritage et à l’importance de cet événement, en ce samedi matin, il faut maintenant pousser les skis avant d’être transi de froid. C’est donc sous l’éclat des étoiles, des feux d’artifice et d’un demi-millier de frontales que l’on s’élance sur la piste doublement tracée. Le mélange neige-pluie de la veille a recouvert le sol d’une couche de glace ferme. C’est donc sans surprise que les conditions de glisse sont très rapides.

En matinée, en traversant les plaines et les boisés, on voit parfois, à travers les collines, les couleurs du jour qui tardent à prendre place. L’excitation des premiers kilomètres et la facilité du début du trajet nous font prendre un rythme assez fou. À notre grand bonheur, on arrive rapidement à Huberdeau, où se trouve notre premier camp extérieur de ravitaillement. Mon premier constat est que mon fartage est absolument inadéquat. J’avais misé sur l’utilisation de grip tape, un épais fart appliqué à l’aide d’un ruban, que j’apprécie en temps normal (parce qu’il ne faut rien essayer un jour d’événement). Je remarque que ce dernier est déjà abrasé après seulement une dizaine de kilomètres. (Habituellement, il dure de deux à trois cents kilomètres…) Je dois donc reprendre mon opération fartage à près de -30 °C. Ces quelques minutes d’immobilité me refroidissent illico. Heureusement, chaque arrêt sur le trajet (4 par jour) est composé d’une armée de bénévoles qui nous comblent de bonheur avec des breuvages chauds, des encouragements et de la nourriture. C’est ainsi que je bois à répétition soupes et boissons énergétiques chauffées(!) pour compléter mes bouchées de muffin aux bananes maison et mes généreuses portions de sirop d’érable en sachet.

D’ailleurs, j’ai découvert une technique secrète pour faire de la tire d’érable sans bâtonnet ni neige! Il suffit d’ouvrir un sachet de sirop d’érable (par exemple, Rekarb), d’éjecter tout le contenu par inadvertance sur sa moustache givrée et de sortir la langue…

Pas question d’arrêter cependant. Les journées sont difficiles physiquement, mais la beauté de la nature compense les inconvénients. Le MCS nous fait passer par des trajets ouverts une seule fois par année, spécialement pour l’événement. Plusieurs centaines de propriétaires terriens et organismes acceptent d’ouvrir leurs portes aux milliers de skieurs qui parcourent les différentes distances pendant le weekend.

On ne peut pas se plaindre lorsque l’on fait notre premier marathon de ski, car le samedi soir, à notre arrivée à Papineauville, un repas et des douches chaudes nous attendent ainsi qu’un endroit à l’intérieur pour y déposer notre matelas. Pour les plus courageux qui ont déjà complété le marathon et pour ceux qui le désirent, c’est une nuit à l’extérieur qui les attend. Ceux-ci ne rentrent donc jamais à l’intérieur entre les deux journées, à l’exception de visites dans les toilettes portables… En contrepartie, ils ont des étoiles comme toit et des musiciens pour les accueillir le samedi soir, près des feux. Autant pour les uns qui dorment dehors que pour les autres qui sont au chaud à l’intérieur, c’est le moment idéal pour discuter de sa journée, partager ses choix de fartage ou se désoler de n’avoir pas privilégié des skis à peaux ou à écailles dans ces conditions froides. L’amitié, tout au long du trajet, allège le poids des skis. Enfin, si beaucoup de participants finissent par se connaître, ce n’est pas parce qu’ils viennent du même endroit. En effet, cette année, ils sont venus de six provinces canadiennes, de 13 états américains et même des Bermudes et de Hong Kong!

Puis, comme c’est souvent le cas dans d’autres événements et aventures, rien ne saurait être fait sans une organisation aussi bien rodée et sans l’aide de centaines de bénévoles que je désire remercier profondément. Même si je n’avais d’yeux que pour les bénévoles qui distribuaient des hot-dogs avant les dernières étapes chaque jour, ma reconnaissance est tout aussi importante pour celles et ceux qui sont sortis de leur zone de confort pour venir nous encourager à tout moment du jour et de la nuit.

Enfin, j’ajouterais qu’avoir les bons vêtements, consommer assez de nourriture, choisir les bons skis et avoir des pôles à la bonne hauteur sont tous des facteurs qui ont un impact majeur sur l’appréciation de l’aventure. Ainsi, une ampoule qui n’est qu’un petit souci sur une distance de 20 km peut devenir un réel problème sur 160 km. Même chose pour la peau exposée qui peut provoquer des engelures. D’ailleurs, moins de 50 % des skieurs qui font le MCS le réussissent lors de leur première participation.

Bref, inutile de vous dire que j’ai adoré mon expérience et que j’encourage fortement les skieurs et les chercheurs d’aventures et de défis à tenter le MCS. Malgré ma bonne forme physique et mon endurance, j’ai peiné à l’effort et j’aurais envie de revenir plus fort et mieux préparé. Après deux jours de repos complet, mon esprit me disait déjà ce que mon corps n’osait imaginer au même moment… À l’an prochain?

Mes destinations coups de cœur pour me préparer à cette grande aventure…

Si la mémoire collective se souviendra de l’hiver 2018-19 comme celui des conditions météo extrêmes, elle devra aussi se rappeler que cet hiver a fait plaisir aux skieurs grâce à un début de saison de ski hâtif. Dès novembre, les Laurentides avaient accumulé assez de neige pour skier. C’est ainsi qu’avec des amis, j’ai multiplié les sorties préparatoires afin de profiter au maximum de la beauté de l’hiver et j’ai testé toutes sortes de conditions de neige différentes pour simuler celles du Marathon de Ski. Parmi mes coups de cœur, la magnifique piste du lac Poisson au parc du Mont-Tremblant. Je vous épargne mes commentaires sur le parc Val-David Val-Morin, secteur Far Hills, car c’est mon parc favori. Enfin, les sentiers gratuits du Centre de la Nature de Laval sont toujours une excellente option pour skier à proximité de la maison lorsque l’aventure extramétropolitaine n’est pas possible. Skier 160 km en deux jours, ça s’improvise peu. Mais bien préparé, c’est un plaisir qui dure longtemps cependant!

The following two tabs change content below.
Ancien employé de La Cordée, Maxime a appris à faire du ski de fond avant de se mettre à marcher (du moins, c’est ce que sa mère prétend). Tout jeune, c’est l’escalade qui lui a ouvert les portes du plein air. De tempérament curieux, il a pratiquement essayé tous les sports de plein air. Bien qu’il se définisse comme un sportif hyper actif, il finit souvent par se retrouver derrière une pile de livres pour gagner sa vie d’historien. Et quand il n’a pas le nez dans un bouquin ou qu’il n’est pas en train de jouer dehors ou de jardiner, fourche à la main, Maxime sème la terreur dans les soirées de jeux de table avec ses amis.

Derniers articles de Maxime Durand (Tous les articles)