Récit hivernal d’une employée de La Cordée
Je ne sais pas si c’est la faute de la chanson du Petit renne au nez rouge[1] ou celle de mon irrésistible besoin d’avoir toujours plus de neige, mais en 2012, quand il a fallu sélectionner une destination pour un échange étudiant à l’université, la Finlande a tout de suite été mon premier choix. Pays de la Scandinavie au système politique irréprochable, royaume du Père Noël, région aux milles saunas, avouez que ce petit bout de planète fait rêver!
Au tout début…
Ne vous méprenez pas, cette histoire n’est pas celle de mon échange étudiant, bien qu’il ait été formidable. En fait, ce récit est celui d’une jeune Québécoise originaire des Laurentides qui aime l’hiver et surtout le ski de fond! Sa passion la transporta jusqu’en Laponie, où elle découvrit le véritable sens des mots beauté, hiver et le dernier, mais non le moindre : froid. Le tout se déroule tout juste après le temps des fêtes, en janvier. Et croyez-le ou non, j’ai vu le Père Noël, le vrai de vrai — il se reposait dans son village du cercle polaire.
Direction nord!
Pour ceux qui l’ignorent, la Laponie c’est le pays des Samis, l’un des plus grands peuples indigènes de l’Europe. C’est aussi là que les rennes du Père Noël vivent, je le sais, je les ai vus également. En d’autres mots, les terres lapones c’est le Grand Nord européen, mais pour moi c’est le paradis de l’hiver.
Pour être encore plus précise, c’est à Levi, la plus grande station de sports d’hiver de la Finlande, où j’ai trouvé mon eldorado des fondeurs finlandais. Voyez-vous, Levi est à une latitude de 67,8° nord (Montréal est à une latitude d’environ 45° nord), donc la neige y est présente tout l’hiver, tout comme le froid en janvier.
Les températures lors de mon séjour en Laponie ont varié entre -45°C et -35°C. Ça vous donne des frissons simplement d’y penser? Ne vous inquiétez pas. J’étais bien préparée pour affronter le froid… Bon je dois l’avouer, mon chalet en Laponie, comme toutes les habitations de la Finlande ou presque, était muni d’un sauna, l’une des plus belles inventions finlandaises! Savoir qu’un bon sauna chaud nous attend en fin de randonnée suffit pour nous réchauffer l’esprit et par le fait même, le corps.
Se mettre sur son -36
Bien entendu, je ne me suis pas retrouvée en Laponie et en ski de fond toute seule. Je suis une personne téméraire, mais raisonnable. C’est pourquoi j’ai convaincu un ami de m’accompagner. Cet ami est un autre Québécois qui aimait trop l’hiver et la Finlande. C’est fou le nombre de jeunes étudiants québécois qui visitent la Finlande! Peut-être que leur système d’éducation y est pour quelque chose…
Il devait être près de 8h le matin quand, toute motivée, je réveille mon ami pour qu’on « s’habille pour aller skier ». J’utilise ici les guillemets, car au Québec, quand je m’habille pour aller faire du ski de fond, je sais que je risque d’avoir chaud alors je m’habille en oignon, comme dirait ma mère. Mais en Laponie, j’avais plutôt l’air prête à affronter les pentes… Je portais même mes lunettes de ski alpin pour empêcher le froid de venir glacer mes cils.
Le diamant noir
Nous arrivons à la petite boutique où nous pouvons louer notre équipement de ski pour la journée. Une fois cette tâche accomplie, je me penche sur la carte des sentiers. Quel chemin choisir ? Le réseau est immense! Je sais que partir pour une randonnée de 20 km n’est pas la meilleure des idées vu la météo, mais je veux être impressionnée, je veux aller me perdre dans les bois! Le conseiller qui m’a aidée à choisir mon équipement semble saisir l’ampleur de mon enthousiasme et vient me proposer le trajet de rêve.
C’est tout simple, au début on longe la montagne de ski alpin, ensuite un lac, et finalement le diamant noir! Tous les mordus de skis savent que le losange noir est souvent l’une des pistes les plus ardues. Ce fameux trajet n’y fait pas exception. En fait, il s’agit de monter le mont Levi et de le redescendre, le tout à une température de -43°C. J’entends même dire que c’est la piste d’entraînement pour les coupes du monde en ski de fond… Fastoche! Mon acolyte et moi échangeons un regard complice, le diamant noir sera pour nous!
À l’orée du bois et des sentiers, nous mettons nos skis. Je tremble, non pas de froid, mais d’excitation. J’ai tellement hâte de glisser sur les pistes lapones, dans cette forêt endormie sous la neige, et pas juste quelques flocons. Ici, la neige est abondante. Les conifères ont disparu sous un épais manteau blanc. En fait, la forêt est figée dans le temps et l’espace. Aucun bruit, aucun mouvement… L’ambiance pourrait être effrayante, mais elle est fascinante et la glisse est merveilleuse. Plus j’y pense, et plus ces arbres me donnent l’impression d’être des amas de guimauves. Voilà, je me balade dans une forêt de marshmallows. C’est féérique.
Nous allons à un très bon rythme. J’ai chaud. Croyez-le ou non, je suis une fournaise en ski de fond, alors même à -43°C, j’enlève une pelure. Nous arrivons au diamant noir, la montée de la randonnée! Un super dénivelé nous force à redoubler d’effort. Il fait encore plus chaud, j’ai les mains trempées de sueur. Mon nez coule autant que les chutes du Niagara, mais le plus comique, c’est l’air froid qui transforme en moins d’une minute ce flot en glaçon. Je vous le jure, je riais et mon ami aussi. Lui, ce n’est plus une barbe qui occupe la moitié de son visage, mais bien un mini banc de neige. Nous sommes merveilleux à voir.
La pause au sommet de la montagne
Après tant d’efforts et de rires, nous devons reprendre notre souffle dans un endroit chaud, autant que possible. En Finlande, on trouve toujours des petits chalets chauffés le long des pistes. D’ailleurs, nous en avons croisé un juste en bas de la montée. Au sommet toutefois, ce n’est pas un chalet qui nous attend, mais plutôt une sorte de yourte. À l’intérieur, un couple d’Anglais alimente le feu tout en réchauffant ce qui semble être du chocolat chaud…. Génial!
Ils sont étonnés de nous voir en ski de fond. De notre côté, nous sommes surpris d’apprendre que pour eux la Finlande est la meilleure destination pour le ski alpin. Leur argument principal : « C’est plutôt tranquille à cette période de l’année. » En effet, nous n’avons croisé aucun autre touriste. Ils partagent leur chocolat chaud, nous partageons nos saucisses. Eh oui, j’ai toujours une collation cachée quelque part pour les longues journées de ski de fond!
Le retour
Après cette petite pause près du feu, vient le moment que je redoute le plus ; la descente. Je n’ai pas peur de la pente, mais bien du froid qui risque de s’inviter dans le bout de mes orteils et de mes doigts. Par précautions, je change mes bas mouillés. Hélas, je n’ai pas d’autres gants que ceux qui peinent à sécher près du feu… Tant pis, ils devront faire l’affaire. Je les enfile, ils sont très humides. C’est mieux que rien.
Nous sortons de la yourte, le froid est mordant. Bien qu’il n’ait pas beaucoup venté durant l’ascension, des bourrasques viennent nous compliquer la tâche quand vient le temps de remettre nos skis. Nous décidons de faire la course à savoir qui arrivera le premier au chalet situé au pied de la montagne.
La descente est aussi abrupte que la montée. La glisse est rapide, vraiment rapide! Ça va tellement vite que mes mains gèlent et j’espère seulement ne pas avoir d’engelures. Comme s’il ne faisait pas assez froid, le soleil commence aussi à décliner. Il n’est que 14h30, coquin! Il faut accélérer. Mon ami gagne la course et va se réfugier au chaud dans le bâtiment. Je l’y rejoins complètement frigorifiée, mais plus souriante que jamais. Bon, il faut dire que mon sourire est gelé sur mon visage. Je ne sens plus mes doigts et j’ai le nez plus rouge que celui de Rudolph, mais qu’est-ce que c’était amusant!
Nous quittons les sentiers avec regret, alors que le soleil cède sa place à la lune. Les journées sont courtes en Laponie — il n’est que 16h. Le conseiller de la boutique nous demande si le parcours nous a plu. Nous répondons d’une même expression enchantée : « A-ma-zing! » Le Finlandais nous regarde un peu étonné et nous demande : « Saviez-vous qu’aujourd’hui nous avons battu le record de la plus basse température de l’hiver? » Ah, c’était ça le petit frisson lors de la descente!
Le soir entre deux séances de saunas, nous partons à la recherche d’aurores boréales, mais il fait trop froid pour que le phénomène se produise. Il faudra attendre plus tard au courant de l’hiver. Ce n’est pas grave, j’ai eu mon lot de paysage impressionnant. Cette nuit-là, j’ai rêvé de ski.
Le véritable retour
Cette journée en Laponie va rester gravée à jamais dans ma petite tête de skieuse. J’irais même plus loin, cette expérience a transformé ma vision du sport en général. Avant, j’étais ancrée dans mes pistes laurentiennes, je n’avais pas beaucoup fouillé le reste du Québec. Maintenant, je ne peux m’empêcher d’aller explorer les centres dispersés aux quatre coins de la province. Et quand j’ai un petit frisson, je repense à cette journée au mont Levi et je souris de plus belle. Vive l’hiver!
[1] Pour ceux qui auraient oublié l’introduction de cette fameuse chanson Le petit renne au nez rouge, voici comment elle débute : « Quand la neige recouvre la verte Finlande… » Voilà, le Père Noël vient de Finlande!