Un voyage de char aux Four Corners

En mode parcs nationaux aux États-Unis, ça prend une auto. Difficile de faire autrement.

C’est en avril dernier que nous avons pris notre décision. Nous devions choisir entre deux billets d’avion et une location de voiture ou le plein d’essence à répétition jusqu’à destination. C’est la dernière solution qui l’a emporté. Nous choisissons le mode roadtrip pour affronter les distances galactiques qui séparent Montréal des plus beaux parcs nationaux des États-Unis, ceux de l’Ouest, au Nouveau-Mexique, en Arizona et en Utah.

Grâce à la proximité de Montréal et des États-Unis, je n’en suis pas à ma première escapade américaine. Je suis familier avec New York, Chicago et San Francisco, mais la nature même des États-Unis, ses grands espaces et sa beauté naturelle, je la connaissais qu’en format carte postale ou au sommet des Adirondacks et des Montagne Vertes.

C’est donc armés d’une sous-compacte à hayon avec les sièges passagers retirés, d’une tente, de sacs de couchage d’hiver et du nécessaire de cuisine de camping que nous attaquons les interstates américaines en mode grands voyageurs en véhicule récréatif, mais en version ultra-compacte.

Au total, près de 11 000 kilomètres à parcourir. Le tout, en un peu moins d’un mois. Donc, oui, un voyage dans les parcs nationaux, mais aussi un voyage de char.

Nous prévoyons faire le plus gros de notre kilométrage en quelques jours : Montréal, Toronto, Buffalo, Cleveland, Columbus, Cincinnati, Nashville, Memphis, où on se mérite une petite pause d’un soir. Ensuite, en route vers Little Rock, La Grange, Texarkana, Dallas puis Austin. Pour une première pause, disons-le, bien méritée après ces quatre jours de route qui nous ont fait parcourir quelque 3200 kilomètres.

À Austin, la nature, on la retrouve un peu partout. Sur les rives de son fleuve Colorado (à ne pas confondre avec l’autre fleuve Colorado, celui de l’ouest, d’une hydrologie beaucoup plus importante), mais surtout dans son Zilker Metropolitan Park. Ce parc, en bordure sud du Colorado, offre une piscine semi-aménagée en pleine rivière, qui offre une eau baignable à l’année, naturellement autour des 20 °C. Au loin, on voit la ligne d’horizon de la capitale du Texas se dessiner.

À partir d’Austin, on saute vers l’ouest et on commence notre grande virée des parcs nationaux. On commence par celui des montagnes à la frontière du Nouveau-Mexique et du Texas, le Guadalupe Mountains National Park, avec ses rochers qui surplombent le désert Chihuahua.

Le Nouveau-Mexique

On continue d’avaler les kilomètres qui séparent Austin de Roswell, au Nouveau-Mexique. Distance oblige, on fait un stop sommeil avant d’arriver finalement dans cette petite ville du sud des États-Unis, rendue célèbre grâce aux ovnis et autres histoires paranormales. On s’y autorise une pause dîner dans un petit dinner du centre de la ville et une courte marche touristique qui s’arrête rapidement parce que du tourisme, il ne semble pas en avoir beaucoup à faire ici. Rapidement, on reprend la route vers l’ouest et on décide d’emprunter les Scenic Roads qui nous mèneront dans les environs de Santa Fe.

À travers les montagnes désertiques du centre du Nouveau-Mexique, une petite route sinueuse se taille une place à travers ces paysages rocheux.

On passe au travers des montagnes, puis on tombe dans le désert. À Carrizoso, on prend la route vers le nord, presque en ligne droite vers Santa Fe. Près de 300 km en ligne droite, dans le désert, c’est long. On croise deux trains de marchandises qui mettent un peu d’action dans le trajet et des virevoltants qui traversent le désert, poussés par le vent.

Santa Fe

Santa Fe constitue l’arrêt culturel de notre voyage. Superbe ville coloniale, on ne se sent pas aux États-Unis, mais plutôt au Mexique.

Quand on aime l’histoire et l’art, Santa Fe est un arrêt gagnant. Quand on aime la nature aussi. D’ailleurs, on en profite pour y faire une rando au Aspen Vista dans la chaîne de montagnes Sangre de Cristo. Les températures et la végétation changent au rythme du soleil et de l’altitude.

Deux jours et quelques heures plus tard, on reprend la route vers l’ouest. Prochaine destination : l’Arizona.

L’Arizona

À peine avons-nous traverser la frontière de l’Arizona qu’on nous invite dans un parc national : le Petrified Forest National Park.

On y découvre un paysage désertique grugé par l’eau et le vent qui, au fil du temps, a laissé place à la découverte de morceaux de bois ou même de troncs entiers pétrifiés. Magnifique!

Mais que serait un voyage dans les grands parcs nationaux, ou même un premier voyage en Arizona, sans un arrêt au Grand Canyon ?

La route vers le Grand Canyon est bordée par le désert. Quand les petits arbustes s’effacent pour laisser place à la grandeur du canyon, alors là, c’est vraiment l’éblouissement.

Grand Canyon : le terme ramène plus à la réalité en anglais qu’en français. Ce canyon, il n’est pas seulement grand, il est monumental. On y passe deux jours complets, à descendre puis à remonter le canyon. Les différents points de vue sont simplement à couper le souffle.

Le Nevada ou l’or et la nature

Après deux jours de rando au Grand Canyon, nous sommes de retour sur la route vers l’endroit le plus bizarre de notre voyage : Las Vegas.

C’est peut-être la nature de notre voyage, la rando ou l’exceptionnelle beauté des paysages ou même le calme qu’on retrouve partout, sans parler de notre rythme de vie plutôt lent, mais mon expérience à Vegas a été des plus désagréable. Au moins, j’y ai vu la tour Eiffel! Bref, comme on parle ici de plein air, je vous laisserai vous faire votre propre opinion de cette ville. Pour reprendre l’expression : ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas.

Au milieu du désert, la ville du Nevada nous sert de tremplin pour nous rendre à Valley of Fire, un parc d’État absolument magnifique où la roche rouge du désert se mêle à la roche blanche qui compose les impressionnants pics rocheux de la vallée. On y passe la journée et on y fait quelques petites randonnées.

La veille, une rare pluie s’était abattue sur la région. Le désert n’absorbe que très peu l’eau qui s’y écoule. L’eau emporte tout sur son passage et créé de petits ruisseaux. La végétation devient soudainement luxuriante et les contrastes des couleurs, du rouge mouillé de la terre au vert humide des plantes fraîchement hydratées, sont magnifiques.

En fin de journée, on reprend la route. On se dirige vers l’Utah, à St George, la première ville de l’État que nous croisons.

Sur l’autoroute tracée en parfaite ligne droite dans ce qui semble être le point le plus profond de la vallée, nous sommes bordés du Mormon Peak, du côté nord, puis des Virgin Peak et du Mount Bangs, du côté sud, en Arizona.

Le moment est magnifique. Derrière nous, le soleil tombe tranquillement et nous offre ses derniers rayons, qui éclairent parfaitement les montagnes avoisinantes. Puis, juste avant de traverser les montagnes pour enfin arriver en Utah, on croise un village nommé Scenic. Plutôt réussi comme toponymie.

L’Utah, vers l’est

Arrivés en Utah, on va prendre une bonne bière avant d’aller se coucher. Le lendemain on reprend la route pour se rendre au parc national de Zion, qui à ce qu’on nous en a dit, est magnifique.On choisit de faire la randonnée qui mène au Angel’s Landing, un point élevé et proéminent, d’où la vue est exceptionnelle. Étrangement, la piste pour s’y rendre est pavée sur toute la longueur, malgré des inclinaisons parfois très impressionnantes (il doit avoir des sections à 30 degrés!).

Juste avant la fin du tracé pavé, une affiche nous indique que depuis 2008, 8 personnes auraient perdu la vie sur le tronçon qui mène au bout de Angel’s Landing, au point le plus avancé du pic rocheux.

On ne fait ni une ni deux, on se dit qu’on est prêt pour ça, nous autres.

Eh non! Mon corps m’avertit rapidement qu’il n’est pas d’accord avec mon projet. Le chemin escarpé tombe directement quelques centaines de mètres plus bas et fait augmenter mon rythme cardiaque. Ma vision devient soudainement un tunnel. Il semble que les vertiges se mettent de la partie. Angel’s Landing, ce sera pour une autre fois. Ou peut-être jamais, malheureusement. Je peux quand même me consoler avec d’autres points de vue plutôt impressionnants.

On quitte le parc national de Zion en direction de Moab, à quelques centaines de kilomètres plus au nord et à l’est. En voyage de char, aussi bien profiter des belles routes qui nous mènent à destination lentement et qui nous offrent de superbes points de vue.

Construite à même les falaises du canyon de Zion, la route qu’on emprunte se faufile à travers les sommets escarpés et passe par de multiples tunnels qui nous offrent toujours une surprise différente à la sortie. Notre départ au coucher du soleil nous assure une lumière rayonnante qui finit de s’estomper à notre sortie du parc.

Les arches et les canyons (bis)

À notre arrivée à Moab, on se trouve un spot de camping où on s’installe pour quelques jours, puis on se lance à la recherche de douches.

Après une douche au centre communautaire local, on se tourne vers le parc national Arches, qu’on parcourt rapidement le temps d’une petite randonnée vers Gentle Arch. On s’y repose quelques heures en attendant le début du coucher du soleil.

Après une bonne nuit de sommeil et un bon barbecue aux abords du fleuve Colorado, on retourne faire une grande randonnée dans le parc Arches. On s’équipe pour la journée et on part dans le désert à la recherche d’arches naturelles en escaladant les immenses bosses rocheuses formées par l’eau et le vent.

Le jour suivant, c’est à Canyonlands que nous marchons. Et c’est là que nous avons une petite frousse.

À l’entrée du parc, on nous conseille de faire une randonnée qui descend la paroi de l’un des canyons jusqu’au fond. Le garde du parc nous dit : « You guys look like seasoned hikers, you should like that one. » Sa proposition était magnifique effectivement, sauf qu’au fond du canyon, après deux heures de marche, on perd de vue les monticules de pierres qui nous servent de repères et qui balisent le sentier.

Dans notre for intérieur, il y a une petite voix qui nous dit que tout ira bien, qu’on est dans un canyon et qu’il n’y a pas mille chemins à prendre pour se perdre. Ce qui n’est pas faux. Sauf qu’il y a aussi une autre petite voix, une petite voix anxieuse, qui nous dit qu’on est perdu et que ça y est : on va rencontrer un animal féroce ou on va geler pendant la nuit à dormir dans ce désert aride parce qu’on ne retrouvera pas notre chemin. Heureusement pour nous, la voix anxieuse avait tort. Après quelques minutes de recherche et de marche vers les hauteurs, on aperçoit au loin notre chemin initial. Bref, on arrive à remonter le canyon avant que la pénombre s’empare du secteur.

Good to go

C’est dans ce parc que notre aventure en nature se termine. Le voyage, lui, n’est pas encore terminé. Dès le lendemain, on prend la route vers l’est, à travers les magnifiques Rocheuses. La température est clémente et nous n’avons pas besoin d’installer de crampons sur nos pneus, chose obligatoire par mauvais temps.

Un saut par Denver avant de poursuivre notre traversée du continent. Denver, le long et plat état du Nebraska (ses annonces religieuses et sa surprenante métropole, Omaha), puis on traverse l’Iowa, l’Illinois, l’Indiana, le Michigan, avant d’arriver au Canada.

Soudainement, l’essence est plus chère, les gens roulent plus lentement et les voitures sont moins grosses.

On oublie notre cahier de notes dans notre dernier restaurant déjeuner et on parcourt les 823 kilomètres de la 401 en une journée.

On arrive à Montréal en soirée, au début du mois de décembre. Mais toujours pas de neige.