Dans les Andes boliviennes

Aventure, trek et ascension dans la cordillère Royale

Encore cette année, c’est en marchant que nous avons eu la chance de découvrir un pays extraordinaire : la Bolivie. Un petit pays sauvage et méconnu, situé à cheval entre l’altiplano andin et les hautes Cordillères (qui dépassent 6000 mètres). De ces cordillères, le pays plonge dans la jungle profonde, par des routes vertigineuses et uniques au monde.

La Paz, ville lumière

Nous arrivons à l’aéroport d’El Alto, située à 4100 mètres, l’aéroport le plus haut du monde. La nuit bolivienne est noire, noire comme le diesel. Les effluves des véhicules de cette ville chaotique et polluée sont les premiers contacts que nous avons avec l’Amérique du Sud. Viens ensuite le froid et le clash de l’altitude.

Le jour se lève doucement au-dessus de nos têtes et avec le soleil vient cette lumière caractéristique des villes de montagne. La pureté des rayons du soleil fait apparaître un léger voile de smog autour de nous, mais elle apporte aussi la chaleur et la lumière du dieu soleil. Elle nous donne ce que nous avons besoin pour entreprendre notre périple.

Une visite des quartiers touristiques de la ville nous permet rapidement de comprendre que La Paz est rien de moins qu’un chaos organisé. Peu de règles de circulation (qui de toute façon ne sont pas respectées par personne) et un flot ininterrompu de véhicules sur toutes les rues et les artères en pente de la ville.

Le centre-ville est situé dans le creux d’une dépression, en plein cœur de l’altiplano. Les quartiers chics sont situés en contrebas de la ville, à une altitude avoisinant les 3000 mètres. Les secteurs pauvres de la ville se situent en hauteur, à 4000 mètres.

Comme dans beaucoup de villes des pays sous-développés, les habitants de La Paz font preuve d’une débrouillardise et d’une créativité hors du commun. Ils font tout avec rien. Leur sourire et leur candeur sont toujours au rendez-vous.

Après La Paz, c’est le lac Titicaca qui est au programme. En nous rendant vers le lac, nous faisons un arrêt au plus gros site archéologique de la Bolivie pour visiter les ruines de Tiwanaku, là où une civilisation préinca et préaymara a connu son apogée 1400 ans avant notre ère. Une visite surprenante et intéressante.

La ville de Copacabana, située sur le bord du lac Titicaca, a définitivement un air méditerranéen. D’ailleurs, la marche que nous faisons sur l’île du soleil, la plus grande île du lac, nous rappelle des images de la Corse. Cependant, le panorama de haute montagne qui apparaît au loin nous ramène bel et bien en plein cœur des Andes boliviennes. Cette visite de l’Isla del sol nous permet de visiter une ruine préhispanique, le vestige d’un aménagement fait par le 9e roi inca, et dédié aux vierges du soleil.

La cordillère Royale

Après cette visite, nous sortons définitivement des circuits touristiques. Nous nous enfonçons profondément dans la cordillère Royale en autobus. D’ailleurs, je ne suis pas certain qu’un tel véhicule ait passé là auparavant. Le début de notre aventure se fait doucement. Nous devons marcher trois jours sur le trek du Condoriri. Ce mot aymara signifie Condor. La forme de ce sommet de 5700 mètres rappelle la forme d’un condor aux ailes ouvertes. De loin, la montagne est belle et, plus on approche, plus elle est imposante. Elle nous dévoile petit à petit ses glaciers et ses arêtes vertigineuses.

Notre première nuit de camping se fait à 4600 mètres d’altitude. Elle est froide, probablement autour de -15 °C. Les envies de pipi nocturnes permettent de voir un superbe ciel étoilé et le passage d’étoiles filantes. Un souvenir magique!

La journée suivante est longue. Nous marchons entre huit et dix heures pour grimper deux cols de 5100 mètres. Ce soir-là, notre campement est plus confortable, mais plus élevé, à 4800 mètres. Je réalise soudainement que nous sommes à l’altitude du Mont-Blanc, en Europe. La vue que nous avons sur le Potosí me fait oublier le léger mal de tête et les petits problèmes de santé qui sont courants à une telle altitude.

Lors de notre 3e journée, nous marchons jusqu’au refuge, situé au pied du Potosí. Ce refuge, qui se nomme Casa Blanca, est situé à 4800 mètres. Ce dernier est mené de mains de maître par une dame de 60 ans et sa fille. Toutes deux nous réservent un bel accueil et des sourires chaleureux. Beaucoup de grimpeurs sont présents. Nous entrons dans le monde de la haute montagne et nous le sentons bien.

Le lendemain, c’est la montée au 2e refuge, situé à 5300 mètres. Probablement l’un des refuges les plus hauts au monde. Nous montons pendant trois ou quatre heures sur un sentier raide, parfois sécurisé par des cordes. Certains participants du groupe sentent leurs limites approcher, mais tous se rendent fièrement au refuge. La vue de celui-ci réconforte plusieurs d’entre nous. Et quel paysage! Glaciers, moraines et hauts sommets. On se sent bien… bien vivant. Le soir, on se couche tôt ; à 19 h, car il faut se lever vers 1 h du matin pour se préparer à l’ascension et quitter le refuge vers 2 h.

La fébrilité du groupe est palpable. Les guides de haute montagne qui nous accompagnent sont bien compétents et patients. D’ailleurs, les guides boliviens ont la réputation d’être gentils et à l’écoute, ce qui est parfait pour nous aider à atteindre notre objectif.

Le sommet du Hayna Potosí

Pas besoin d’attendre la sonnerie de la montre, car plusieurs d’entre nous sommes éveillés depuis longtemps ou n’ont pas beaucoup dormi. Il y a de la nervosité et de l’adrénaline dans l’air. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’une telle aventure est possible. Le départ des premières cordées se fait vers 2 h 15, et une vingtaine de minutes plus tard pour les dernières cordées.

Dès le départ, nous chaussons nos crampons et évoluons sur une pente douce, composée de neige et de glace. Malgré le froid de la nuit, nous sommes à l’abri du vent et réussissons à maintenir notre chaleur en bougeant. Le rythme est lent, mais c’est celui qu’il faut adopter en montagne. Le spectacle impressionnant des points lumineux des lampes frontales qui traversent vers le sommet est un moment fort dans la nuit. Lorsque nous arrivons un peu plus haut, que le vent fouette notre visage et qu’il nous vole sans scrupule notre chaleur, nous nous accrochons tous à l’idée que ces petites lumières sont de plus en plus proches du sommet et que nous aussi, nous y arriverons.

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Après plusieurs heures de marche dans la nuit étoilée, nous espérons vivement le lever du soleil pour nous donner un second souffle. Celui-ci se pointe le bout du nez vers 6 h. Il nous englobe de sa lumière rosée et nous dévoile un paysage à couper le souffle. D’un côté, le plateau lumineux de la ville de La Paz, de l’autre, les nuages au creux de la vallée de la jungle et au milieu, la cordillère qui se dresse avec ses multiples sommets. La clarté du jour nous permet de mieux distinguer les autres cordées devant et derrière nous ainsi que le chemin qu’il nous reste à parcourir. Nous sommes comme de petites fourmis dans cette immensité, mais nous sommes des fourmis très assidues à la tâche. Ainsi, c’est avec une immense détermination que les premières cordées arrivent au sommet du Potosí (à 6080 mètres) vers 8 h 15, après avoir franchi quelques passages plus abrupts et très exigeants moralement. Les dernières cordées atteignent notre objectif environ une heure plus tard.

Vu l’étroitesse de l’arête sommitale, nous ne pouvons pas nous tenir tous ensemble en haut. Or, les premiers groupes encouragent les derniers, avec un sourire de satisfaction. Avant de redescendre, tous savourent un moment de repos et en profitent pour contempler leur réussite. Les larmes montent facilement aux yeux. La descente, quoique moins difficile, nécessite attention et concentration et cela, malgré notre fatigue. Nous nous retrouvons tous au refuge vers l’heure du dîner. Les premiers commentaires des étudiants sont : « Il n’y a plus rien dans la vie qui pourra nous faire peur après ce que nous venons d’accomplir! » Bravo à tout un chacun pour ce magnifique défi!

Éric Martineau – Enseignant éducation physique au CÉGEP Lionel-Groulx

Claudia Després – Technicienne en éducation physique au CÉGEP Lionel-Groulx

Voici les témoignages de certains étudiants à notre retour au Québec. Cette expérience m’a appris…

  • À gérer mes peurs et à en soutirer un certain plaisir;
  • Quelles étaient mes limites, et que, malgré tout, j’étais capable de les dépasser;
  • Que mes limites sont beaucoup plus grandes que ce que je pense;
  • Que je suis bien quand je décroche complètement d’Internet;
  • Que je suis plus motivé que jamais à poursuivre mes études.
  • Des choses qui vont m’aider dans la vie de tous les jours. Ma préparation physique était bonne, mais mon mental a vraiment été poussé à son maximum. Je remercie les organisateurs de cette expédition.

Voyage réalisé en juin 2016