Ces bottines ont beaucoup voyagé

Par Michèle Leclerc

Comme le temps, ces bottes ont filé à vive allure. Il y a 15 ans déjà, j’achetais une paire de bottines de marche neuve pour Louis-Philippe. Il était alors âgé de 5 ans et était le troisième de la famille, qui comptait à l’époque 6 enfants. Cet achat avait été longuement réfléchi : acheter neuf ou usagé? Finalement, nous sommes allés à La Cordée et nous avions choisi une paire de bottines pour fiston. Après tout, les plus jeunes allaient probablement l’user après lui!

Nouvelle imageMettre une vraie paire de bottines de marche, c’était le début de l’indépendance d’un véritable marcheur. « Wow! Ce sont des bottines qui vont vite! » C’était le début d’une vie de plein air pour Louis-Philippe. Papa Pierre portait le bébé dans son sac à dos pendant que Louis-Philippe et moi marchions main dans la main. Je l’accompagnais, je l’encourageais, je lui faisais découvrir les beautés de la nature. Mais pour Louis-Philippe, avec des bottines qui vont vite, plus question d’attendre maman. Il lâchait ma main. Il prenait les devants, et je restais derrière. Je ne pouvais plus le couver, le protéger. À l’avant, il gambadait à la découverte du monde. Il posait minutieusement ses pieds sur des roches solides. Il s’agrippait à une branche et se hissait en hauteur. Il prenait sa place parmi les premiers. Il jouait du coude avec ses frères aînés. Il n’était plus le petit, il devait se faire accepter et respecter. Parfois, il réalisait que la promenade était longue et ardue. Il traversait des ruisseaux ou des rivières à gué. Chacune des randonnées apportait son lot de bonheurs. Il surprenait un écureuil ou un tamia. Il voyait un renard déguerpir. Il apprenait à reconnaître le chant de la sittelle et à nommer les arbres de nos forêts. Il arrivait au sommet le premier. Ses grands frères avaient adopté ce nouveau compagnon.

Photo + Méxique 1669J’ai compris immédiatement que mon fils se débrouillait très bien sans moi. La route était parfois longue, et il a eu des ampoules aux pieds. Puis, les années ont passé, et ses pieds ont grandi. Son frère Raphaël était fier de porter, à son tour, les bottines qui vont vite. Leurs sœurs du même âge, Marie-Michèle la gazelle et Marie-Pierre Speedy, trottinaient derrière eux. J’ai appris à faire confiance aux enfants, même dans les montées abruptes et escarpées. Je les perdais de vue rapidement, mais je tenais toujours, dans une main, la menotte de Danièle et celle de leur cadet de l’époque, Charles, de l’autre main. Même petits, ils pouvaient en avaler des kilomètres avec leur minuscule sac au dos et leur bouteille d’eau en bandoulière. Puis, Danièle a porté les bottines et Charles, ensuite. Marc-Antoine est né, le petit dernier. Il les a aussi chaussées. Il a vite lâché ma main pour rejoindre les grands devant. Très habile, il a marché dans les Rocheuses Canadiennes, sur le mont Sinaï en Égypte et traversé la Mongolie avec ces bottines aux pieds. Elles en ont marché des continents aux pieds de mes enfants. Elles sont maintenant bien usées. Elles ont donné lieu à un lot de beaux souvenirs : rires, chansons, contes et légendes sur des sommets enneigés ou des volcans! J’ai peine à les jeter! Elles ont été bien rentables, les bottines de Louis-Philippe!

Aujourd’hui, les enfants ont chacun une paire de bottines neuves. Ils savent les entretenir, les nettoyer, les sécher et les graisser régulièrement sans que je leur y fasse penser. Ils savent les lacer sans que le nœud se défasse. Papa Pierre a, lui aussi, ressemelé quelques fois ses bottines achetées il y a 30 ans! On a su bien nous conseiller. Maintenant, seul le petit dernier n’a plus de bottines pour se chausser. Ses pieds n’ont pas fini de grandir. Il n’a que 8 ans. Mais il nous faudrait bien investir parce que nous marchons à l’année, hiver comme été. Mes bottines à moi ont aussi beaucoup voyagé. Et je souhaite que celles de ma progéniture en fassent autant. Il est parfois difficile de la voir s’éloigner et quitter la maison. Je voudrais la suivre dans toutes ses randonnées! Ils rêvent de l’Islande, de l’Irlande, du Swaziland ou de la Finlande. Ce sont des marcheurs à l’année.

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Petite, Michèle Leclerc rêvait d’une grande famille, d’aventures et de films. Elle sillonnait déjà le monde avec son père, réalisateur à la télévision de Radio-Canada. En assistant aux Grands Explorateurs, elle se souvient de s’être dit : « Un jour, ce sera mon tour! » Maintenant mère de neuf enfants, Michèle bourlingue sur la planète, sac au dos et caméra à l’épaule.

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