De retour du SIA

Cet été, elle s’est aventurée seule sur le Sentier International des Appalaches (SIA). Le récit de son aventure a enflammé nos réseaux sociaux. Vous avez été nombreux à lui poser des questions pendant son périple gaspésien. De retour dans son quotidien, Marianne a généreusement accepté de partager une partie de son expérience mémorable avec nous.

LC : Pourquoi t’être lancé dans un tel défi?

M : Ça faisait des années que j’avais envie de faire une longue randonnée. La fin de mon baccalauréat me semblait être le moment parfait pour le faire. Je voulais me tester et voir comment j’allais me débrouiller seule dans un pareil périple.

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LC : Comment t’y es-tu préparé?

M : Avant de partir, je me suis lancée dans une longue planification. Je savais que c’était important de bien analyser les cartes et de planifier mes points de ravitaillement. Après, le reste, ça serait du bonbon! J’avais raison. Une fois bien organisée, il me restait juste à marcher et à accepter de ne pas suivre l’itinéraire que j’avais prévu. Ça m’a enlevé un stress énorme de ne pas m’obliger à suivre exactement l’itinéraire que j’avais planifié. D’autant plus que la randonnée a pris dix jours de moins que ce que j’avais estimé.

 

LC : Comment as-tu apprivoisé la solitude sur la route?

M : Je n’ai pas eu trop de misère avec la solitude parce que dans la vie, je suis bien seule. Et puis, la solitude, c’était un peu le but de ma rando! J’étais tellement concentrée sur le chemin, sur mes sensations corporelles et sur mon objectif quotidien que la solitude n’a jamais été pesante.

Certaines choses me manquaient par contre… Je pensais souvent à manger des burgers et de la poutine! (Bon, évidemment, mon chum et mes amis m’ont manqué aussi, mais j’étais tellement bien dans le bois que l’absence des autres ne créait pas vraiment de vide.)

J’ai aussi découvert les bienfaits des bâtons de marche! Je n’avais jamais randonné avec des bâtons de marche avant de faire cette rando et ils ont été une véritable révélation pour moi. Ils m’ont servi de béquilles dans de nombreuses occasions. Ils étaient de fidèles amis qui me maintenaient debout quand mes jambes n’en pouvaient plus.

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LC : Qu’est-ce que tu as trouvé le plus difficile?

M : Mentalement, c’était parfois difficile de continuer à cause de la douleur. J’ai eu vraiment mal aux pieds, aux jambes et au dos par moments. Je me trouvais des trucs pour oublier mes maux : chanter à tue-tête, me répéter des phrases en boucle, compter mes pas, etc.

Il faut dire qu’il a plu tellement pendant les quinze premiers jours de la randonnée que j’ai développé des petites plaies sur les pieds parce qu’ils étaient toujours mouillés. La peau à vif me faisait tellement mal que j’enveloppais chaque orteil et chaque bout de peau qui frottait dans ma botte de tape médical.

Quand je suis arrivée à Mont-Saint-Pierre, j’ai changé de bottes pour en mettre de plus légères. Là, je me suis mise à faire plein d’ampoules. Je les couvrais de bandages et je marchais quand même.

Un matin, je me suis réveillée et j’avais de la misère à plier les genoux. J’ai marché dix kilomètres pour me rendre au campement suivant et là, j’ai dormi tout le reste de la journée. Le lendemain, le mal était passé.

Puis, j’ai eu des douleurs sous les pieds et dans les jambes. Ça me donnait parfois comme des chocs électriques, qui me tiraient des larmes incontrôlables. Mais je continuais simplement à marcher, un kilomètre à la fois. C’est la hâte d’arriver à la fin qui me poussait à continuer! (Rires.) J’avais un peu envie de me pousser au maximum pour voir jusqu’où je pouvais aller…

 

LC : Ton souvenir le plus fort, c’est…

M : Quand je suis arrivée au sommet du mont Matawees, en sortant de la réserve faunique de Matane, avant le parc national de la Gaspésie, j’ai été submergée par la beauté du paysage et par la grandeur de la nature. C’était un matin ensoleillé; le premier depuis des jours! Je voyais des monts à perte de vue, et une faune et une flore alpines qui m’ont fascinée. Je me suis sentie tellement choyée d’être là…

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img_20160728_090442813LC : Qu’as-tu appris sur toi?

M : Certaines personnes font ce genre de randonnée dans l’espoir d’être frappées par une grande révélation. Je n’ai pas vécu ce genre d’illumination. Sauf que je peux dire que j’ai développé une belle relation avec moi-même, et ça, c’est le plus beau cadeau que je pouvais me faire sur le sentier.

Pour la première fois dans ma vie, j’ai été capable de reconnaître mes forces. Je voulais tester ma volonté et ma force mentale, et je suis plutôt fière de ce qui en est ressorti! J’ai aussi été vraiment impressionnée par la capacité d’adaptation du corps et par ce qu’il peut faire malgré la douleur et l’inconfort. J’ai réalisé que quand la tête décide quelque chose, elle peut être très forte!

 

LC : Comment s’est passé ton retour à la civilisation?

M : Mon retour a été assez particulier. Ma belle-maman est décédée deux semaines après la fin de ma rando. J’ai eu la chance de rentrer à temps pour la voir quelques fois et pour prendre le temps de vivre cet événement avec mon chum et sa famille. Dans mon esprit, mon retour du SIA est donc inexorablement lié à ces événements. J’avais prévu continuer à poster des photos et à raconter des histoires sur Instagram, mais ça m’a comme catapultée dans une autre réalité. J’ai eu vite l’impression que ça faisait des mois que j’avais fini ma rando!

Ainsi, le vrai retour dans la civilisation (au travail et dans ma vie normale) s’est fait presque trois semaines après la fin de ma rando. Rendu là, le SIA était déjà loin dans ma tête. Maintenant que je reprends ma routine, je me rends compte que je suis plus proche de moi-même et de mes besoins. Et j’avoue que le bois me manque…

Je terminerais mon bilan en disant aux personnes qui se lancent dans une grande marche comme celle que j’ai faite de prendre le temps de savourer chaque moment. Ça paraît évident, mais parfois, quand on est sur le sentier, on veut juste arriver au bout et on oublie de regarder ce qu’il y a autour…

Merci d’avoir partagé ton périple avec nous, Marianne!