Le Tour Divide, l’ultime aventure de bikepacking

Mi-juin, on vous annonçait le départ de Vincent Hamel, conseiller à La Cordée Boutique, et de son père, Mario, pour le défi du Tour Divide 2018.

Qu’est-ce que le Tour Divide? C’est une course de vélo daventure entre Banff, en Alberta et Antelope Wells, à la frontière entre l’État américain du Nouveau-Mexique et le Mexique. À travers les quelque 4400 kilomètres à traverser à travers déserts et montagnes, il faudra aussi surmonter les quelque 45000 mètres de dénivelé positif.

Voir le billet sur le départ de Vincent

Pause au Montana, tout juste avant d’arriver en Idaho.

Les plus rapides parcourent la distance du Canada au Mexique en un extrêmement court 14 jours. Mais ce n’est pas de cette manière que Vincent et Mario ont abordé leur défi.

Au départ de leur aventure, ils avaient un mois de liberté devant eux. Pause du travail et de l’université, il fallait toutefois revenir.

C’est donc en se disant qu’ils allaient pédaler sur la Great Divide Moutain Bike Route plus qu’en ayant l’objectif lointain d’atteindre Antelope Wells qu’ils s’élançaient dans ce gigantesque défi.

Mario est un adepte du triathlon depuis fort longtemps. Il se spécialise aujourd’hui en ultratriathlon, un passe-temps qui l’amène à se surpasser lors d’événements d’endurance extrême. Vincent le dit d’emblée : « mon père est plus en forme que moi, c’est certain. » Côté forme, c’était donc raisonnablement confortable pour Mario.

Mario au Montana.

Vincent, de son côté, n’avait qu’une fois parcouru 130 kilomètres en une sortie auparavant, de Montréal à Saint-Donat, afin de tester son setup de bikepacking, se limitant presque exclusivement à des sorties de 80 kilomètres comme distance maximale. En revanche, sa passion pour le ski de randonnée lui permet d’être confortable en montagne dans différents types de météos. Ce voyage faisait donc le pont entre l’aisance de Mario à pédaler longtemps et celle de Vincent à naviguer en montagne.

Vincent travaille à La Cordée depuis 2 ans. Ce qu’il connaît sur le vélo, il l’a appris en se formant auprès de ses collègues et lors des cliniques offertes par les différents fournisseurs de La Cordée. Côté mécanique, il est donc confortable.

Mario au Colorado, près de Del Norte.

C’est en observant le Cutthroat de Salsa qu’il découvre pour la première fois le défi du Tour Divide et le trajet de la Great Divide Mountain Bike Route, puisque le trajet est dessiné sous le tube diagonal de ce vélo.

L’idée du projet commençait donc à germer.

Avant le départ, il fallait s’équiper. Vincent était déjà un adepte du touring et de la randonnée en montagne, particulièrement l’hiver, mais son matériel n’était pas l’idéal pour l’aventure qui l’attendait.

Il fallait donc s’équiper à partir de zéro, en commençant par un vélo robuste pour affronter les sentiers.

Le Kona Sutra LTD tout équipé de Vincent.

Vincent a arrêté son choix sur le Kona Sutra LTD, un vélo qui penche plus du côté du gravel bike que ce qui est généralement utilisé par la plupart des gens pendant le Tour Divide, mais qui lui donnait de la flexibilité sur son utilisation à son retour à Montréal.

Avec son cadre en acier, sa transmission SRAM Rival 1×11 et ses gros pneus X’Plor 700×50 de Clément, Vincent n’avait pas vraiment besoin de faire beaucoup de modifications à sa monture. Il opte pour un guidon plus large pour s’assurer un plus grand confort et une meilleure maniabilité, mais les modifications s’arrêtaient là pour notre aventurier.

Pour transporter son matériel, il s’est équipé d’un sac de cadre Salsa, d’un sac de selle Salsa, d’un sac au sec de 15 litres attaché au guidon ainsi que de deux sacs au sec supplémentaires de part et d’autre de la fourche. Pour compléter l’ensemble, il s’équipe aussi d’un sac léger qu’il portera en tout temps sur son dos.

Point de vue au Colorado.

Niveau matériel de camping, Vincent choisit le nouveau Mythic 200 de Rab, en sachant bien qu’il risque peut-être d’avoir froid en altitude. Il s’équipe donc d’un liner pour complémenter son sac de couchage.

Vincent et Mario passeront aussi leurs nuits ensemble dans la Hornet 2 places de Nemo. C’est bien à l’étroit, et il faut bien orchestrer la mise au lit, mais cette tente ultralight fait exactement le travail souhaité en ne prenant que très peu de place.

Selon Vincent, mieux vaut choisir une monture solide et durable, quitte à ce qu’elle soit lourde, puis choisir le matériel de camping le plus léger possible.

Une section de « hike-a-bike » au Canada.

À preuve, il cite les nombreux petits et gros pépins que lui-même et d’autres aventuriers qu’il a croisés ont eu à surmonter. Roues brisées, cadre craqué, manette de vitesse cassée, pneu déchiré… et patte de dérailleur brisée.

À ce niveau, Vincent a eu beaucoup de chance, dans le sens où très peu de problèmes se sont érigés devant lui. Sauf un. La patte de son dérailleur a bien failli mettre un terme à l’aventure père-fils.

Les chutes peuvent abonder sur la piste de la Great Divide Mountain Bike Route, et Vincent, qui n’est pas particulièrement un habitué des pistes en montagne, s’est donc offert quelques chutes.

Avec tout le matériel qu’on transporte en bikepacking, une chute du côté droit viendra inévitablement poser du poids sur le dérailleur qui se trouve du même côté. À la longue, la patte de dérailleur (petite pièce de métal qui fait le lien entre le cadre et le dérailleur et qui est conçue pour se briser avant l’une de ces pièces plutôt dispendieuses) travaille latéralement, et au bout de sa peine, la pièce cède.

Et c’est exactement ce qui arrive à Vincent.

Avec une patte de dérailleur brisée, Vincent s’est heureusement trouvé une manière de se rendre au village de Platoro, au Colorado.

En plein cœur du Colorado, il se retrouve donc à devoir marcher à côté de son vélo. Une solution est possible, raccourcir la chaîne et affronter le sentier en singlespeed, mais la torsion alors mise sur une chaîne mal tendue pourrait provoquer un autre problème : un bris de chaîne.

Par chance, Vincent et Mario se trouvent sur une route tertiaire empruntée par des chasseurs et autres adeptes de plein air motorisé. Un bon samaritain embarque Vincent en direction du village le plus proche : Platoro. Mario le rejoint au courant de l’après-midi dans ce village saisonnier de pêcheurs et de chasseurs, où aucun réseau cellulaire n’est disponible et où aucune source d’Internet n’existe pour les visiteurs. En prime, comme personne n’y habite à l’année, l’endroit n’a pas de code postal.

Point de vue au Montana.

S’en suit une valse complexe pour se faire envoyer une nouvelle patte de dérailleur, mais surtout la bonne. D’un côté, c’est la mère de Vincent et conjointe de Mario qui va à La Cordée pour faire l’achat, puis traverse les douanes à Plattsburgh pour faire un envoi overnight avec FedEx. De l’autre, c’est un ami avec un contact qui s’occupe d’un deuxième envoi. Express lui aussi.

2 jours et demi d’attente plus tard, une première patte arrive, puis une seconde. Autant en avoir une deuxième, pour la chance.

La route continue vers le Nouveau-Mexique et la malchance frappe à nouveau. La nouvelle patte de dérailleur du vélo de Vincent se casse. Malheureusement, la réparation précédente avait abîmé la vis et le démontage semblait impossible avec les outils que nos aventuriers avaient sous la main.

Arrêt au Nouveau-Mexique.

Convaincus que l’aventure se terminait pour eux, ils commencent donc à chercher un endroit dans le petit village de Pie Town (où on retrouve trois magasins de tarte) pour trouver du WiFi et s’engager sur la voie du retour avec un transport vers Phoenix, puis l’avion vers Montréal.

C’est au RV park qu’il semblait avoir un accès Internet et c’est aussi là que la magie allait opérer. Sur place, ils rencontrent l’homme à tout faire de la place qui se trouve à être un passionné de vélo de montagne avec plus d’un tour dans son sac.

Il sort les outils nécessaires, réussit à démonter le dérailleur, lui offre même un nettoyage supplémentaire, et remonte le vélo de Vincent en quelques minutes. Le voyage de Mario et de Vincent ne prendra pas fin à Pie Town finalement.

Trois jours plus tard, ils arrivent à la frontière des États-Unis. Sans artifices ni comité d’accueil, ils avaient complété le Tour Divide en 31 jours et parcouru toute la longueur de la Great Divide Mountain Bike Route. C’est toute une réussite.

Les sections de « hike-a-bike » sont difficiles.

Le défi a été difficile et les blessures physiques ont été minimes pour nos aventuriers. Néanmoins, leur corps est meurtri.

Au-delà du vélo, Vincent souligne que l’important pour une telle aventure est la connaissance de la survie en montagne, du camping en toutes températures et conditions. Pour lui, le vélo dans ce défi est un moyen de transport comme un autre. La forme vient avec le temps, il le dit lui-même, il n’était pas particulièrement prêt pour le défi physique du Tour Divide, mais il était cependant prêt pour affronter la montagne.

 

Le Tour Divide en bref
  • Distance totale 4 194 km
  • Distance moyenne : 140 km/jour
  • Plus longue journée : 205 km
  • Moyenne : 8 heures de vélo/jour (excluant les arrêts)
  • Gain total d’altitude : 47 790 m
  • Gain d’altitude moyen : 1 593 m/jour
  • Vitesse moyenne : 17 km/h