Un orage approchait à l’horizon. Nous étions au beau milieu de nulle part, sur une route à flanc de montagne. J’étais sous le 4 x 4 de location en train de couper une pièce du moteur avec un couteau à beurre (le seul outil que j’avais à ma disposition). Tout ça parce qu’une pièce de la voiture traînait par terre et nous empêchait de passer la chute (oui, oui! une chute) devant nous.
Comme je ne connaissais rien en mécanique automobile, je priais le ciel pour que la voiture démarre une fois l’opération terminée. Il le fallait puisque nous étions encore loin d’Omalo, un village situé au cœur de la région la plus reculée de Géorgie. (Pas l’État de Géorgie aux États-Unis, mais bien la Géorgie en ex-URSS : le minuscule pays d’Europe de l’Est aux portes de l’Asie.)
Depuis maintenant deux semaines, ma copine et moi parcourions les routes de ce surprenant pays, après avoir quitté l’aéroport international de Tbilissi à bord d’un 4×4 de location flambant neuf. « Vous êtes les premiers à louer ce véhicule », nous avait dit la dame de la compagnie de location dans un anglais extrêmement cassé.
D’ailleurs, un anglais extrêmement cassé, c’est la meilleure chose que vous ne pouvez espérer d’un Géorgien puisque 99 % d’entre eux parlent rien d’autre que… le géorgien. Ne vous en faites pas, la langue des signes est universelle.
Je m’égare… Je parlais donc de la Géorgie. En plus d’être l’un des berceaux de la religion catholique (les ruines ne manquent pas), c’est également l’endroit où a été inventé le vin, il y a 6000 ans (une grande majorité des Géorgiens font encore leurs propres vins et leurs fromages). C’est aussi le lieu de naissance de Joseph Staline (sans commentaire). Notre road trip nous a fait découvrir un véritable paradis du plein air aux paysages très contrastés. Nous y avons vu des contrées désertiques au sud-est, la mer Morte à l’ouest, et entre les deux, de hauts sommets aux neiges éternelles du nord-ouest, et une nature à l’état sauvage du nord-est.
DIRECTION : AZERBAÏDJAN
Vous avez toujours voulu mettre les pieds en Azerbaïdjan? Moi non plus! Après avoir à peine quitté l’aéroport, nous avons mis le cap sur le monastère de David Gareja, au sud-est. À cheval sur la frontière de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie, l’ancien monastère surplombe, de quelques centaines de mètres, les magnifiques plaines arides de l’Azerbaïdjan. Nous y avons eu le souffle coupé. Et ce n’était que le début de notre périple.
Le sud-ouest, à la frontière de la Turquie et de l’Arménie, est sans grand intérêt. Sauf peut-être pour Vardzia, un magnifique ensemble monastique creusé dans la roche. Nous avons d’ailleurs passé plusieurs heures à nous perdre dans les dédales des tunnels, des grottes et des passerelles de cet ancien monastère creusé à même le roc. L’endroit a même déjà hébergé plus d’un millier de moines à son apogée.
En chemin, nous nous sommes arrêtés à Tmogvi pour aller jouer au roi de la montagne dans une forteresse perchée dans les montagnes. Bien que les châteaux ne manquent pas en Géorgie, celui-ci est une destination incontournable si vous êtes un passionné d’archéologie… pourvu que vous n’ayez pas le vertige!
LES TOURS DE DÉFENSE DE SVANETI
Après avoir passé en coup de vent la mer Noire (à ne pas confondre avec la mer Morte), nous avons mis le cap sur Mestia, en Svanétie, une région au nord-ouest du pays, à la frontière de la Russie. Une région reconnue pour ses hautes montagnes.
À 1500 m d’altitude, Mestia est considérée comme la capitale du plein air en Géorgie. Parmi la multitude de randonnées offertes dans ses environs, il ne faut pas manquer de faire celle qui mène au lac Koruldi. La randonnée est un aller-retour de 7,6 km et de plus de 1300 m de dénivelé positif. Tout comme nous, vous aurez le souffle coupé en marchant sur le sentier très abrupt. Les superbes panoramas qu’offre la randonnée sur les sommets aux neiges éternelles coupent également le souffle.
Puis, pour ceux qui sont en quête d’un peu plus d’authenticité (je dis cela parce que Mestia est assez touristique), mettez le cap sur Ushguli à 45 km. En théorie, 45 km, c’est la porte d’à côté. En pratique, la route est au mieux complètement défoncée et il vous faudra un bon 3 à 4 heures pour franchir cette distance. Mais le résultat en vaut la chandelle. Sur place, le temps semble s’être arrêté il y a 200 ans. Le village de Ushguli arbore d’anciennes tours de défense médiévales, dans un cadre enchanteur propice à la randonnée. Sachez qu’il est possible de rallier Ushguli à la marche à partir de Mestia. Cette randonnée prend 2 à 3 jours et elle constitue le sentier de grande randonnée le plus populaire du pays.
LE MONT KAZBEK
La ville de Stephantsminda est un endroit difficile à manquer parce qu’elle se trouve au pied du mont Kazbek, la montagne emblématique du pays. Avec un guide et de l’équipement adéquat, il est possible d’atteindre le sommet en 3 jours. Autrement, sans guide, il est possible de se rendre au refuge situé à la base du glacier Gergeti (3370 m). Cette randonnée se fait en deux jours.
Au minimum, il faut vous rendre à l’église Gergeti. Surplombant la ville et rejoint par un sentier ou une route de terre, l’endroit offre une vue impressionnante sur le mont Kazbek. Pour apprécier la vue, je vous souhaite une météo dégagée. Une chance que nous n’avons malheureusement pas eue. (Cherchez « Gergeti Church » dans Google. Vous comprendrez ce que je veux dire…)
Comme Stephantsminda déborde de touristes, je vous conseille de passer la nuit dans le village de Juta, à une heure de route de là. Juta se trouve au pied de Sno, une étroite vallée avec des montagnes toutes vertes. Pour la première fois du voyage, nos hôtes parlaient un anglais parfait. Ils ont passé la soirée à trinquer avec du Chacha, un alcool local qui tue toutes les bactéries et les cellules de votre corps. À peine calés, nos verres se remplissaient à nouveau…
LA FORTERESSE OUBLIÉE
Une fois que nous avons retrouvé nos esprits, nous avons mis le cap sur Shatili. La route pour nous y rendre valait le détour! Durant plus de cinq heures, de magnifiques paysages composés de montagnes défilaient devant nos yeux. Sans compter que la route atteignait 2000 m d’altitude. Il nous a suffi d’un seul coup d’oeil sur Shatili pour comprendre pourquoi nous avions fait tout ce chemin. Blottis dans le fond d’une vallée étroite et entourée de hautes montagnes, nous avions devant nous une ville forteresse médiévale. L’endroit transpirait l’Histoire. L’un des bâtiments avait été aménagé en auberge. Le confort était minimal, mais l’expérience a été unique. Le lendemain, nous avons rendu visite à la forteresse de Mutso qui nous offrait une vue incroyable sur les environs.
LA NATURE À L’ÉTAT PUR
J’en étais donc à finir de couper la pièce de moteur sous la voiture. J’ai inséré la clé dans le contact et la voiture a finalement démarré.
Il nous a fallu cinq heures pour négocier les 70 km de la seule route qui connectait la région de Tusheti au reste du pays. Pour dire vrai, à ce jour, cette route est LA route la plus dangereuse sur laquelle j’ai eu le plaisir de conduire (j’ai roulé sur tous les continents sauf l’Antarctique). Les paysages étaient littéralement à couper le souffle. Mais, il faut des nerfs d’acier pour parcourir cette route à flanc de montagne, à peine plus large que la voiture. La moindre erreur de conduite et on voit vite de près le fond de la vallée. D’ailleurs, de nombreux mémoriaux et plusieurs carcasses de voitures écrasées dans le fond des ravins pouvaient en témoigner.
Notre récompense pour ne pas avoir rebroussé chemin a été d’accéder à une région où la nature régnait en reine et maîtresse. Tusheti est une contrée de plaines, de collines et de forêts, où les possibilités de randonnées sont quasi illimitées. Sachez qu’il est également possible de rejoindre Shatili en faisant une randonnée de cinq à huit heures.
LA CAPITALE
De retour à Tbilissi, on s’est laissé tenter par une expérience typiquement géorgienne : les bains sulfureux. Une expérience de massage, disons, tout sauf douce? Mais cela nous a permis de replacer tous nos trucs à la bonne place avant de retourner à la maison.
Après avoir défoncé l’aile gauche du véhicule, subi deux crevaisons, reçu une contravention pour excès de vitesse et coupé une pièce sous la voiture, nous étions de retour à l’aéroport, un peu inquiets du montant de la facture qui nous attendait à l’agence de location. Heureusement pour nous, les compagnies de location ne regardent jamais sous la voiture…
Bref, de tous les pays que j’ai visités à ce jour, la Géorgie est le meilleur endroit pour jumeler choc culturel, histoire, culture, gastronomie et paysages à couper le souffle. Tout ça à un prix dérisoire.
LIEN UTILE
Pour plus d’informations sur la multitude de randonnées possible en Géorgie, je vous conseille de jeter un coup d’œil au www.caucasus-trekking.com. Et pour toute autre question, n’hésitez pas à me contacter!
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