Promenade de l’aube au crépuscule dans le cercle Arctique

Le 14 Décembre 2018

Sous un ciel tapissé d’étoiles et sous une lune presque pleine qui transcende la noirceur de la nuit, le vieux bus roule en direction du nord, sur une route glacée, au milieu d’une contrée vide et accidentée. Quelques heures plus tôt, toute trace de végétation et de construction humaine a disparu des radars et a fait place à un paysage de collines, où rien ne pousse.

Des lumières apparaissent à l’horizon. Le bus s’immobilise et le chauffeur s’écrit : « Terminus! Tout le monde descend!» En fait, je n’ai aucune idée de ce que le chauffeur dit, en russe, mais j’imagine que ça doit ressembler à ça puisqu’il nous fait signe de descendre.

Bienvenue au beau milieu bout de nulle part. Bienvenue à Teriberka (Териберка), un village gros comme mon c…, situé sur la mer de Barents, par-delà le 66e parallèle nord, à l’extrême nord-ouest de la Russie (Россия), dans le cercle polaire de l’Arctique.

À sept jours du solstice d’hiver, la longueur des journées est de 0 heure, 0 minute, 0 seconde! En clair, le soleil ne se lève pas sur cette partie du monde à ce temps-ci de l’année.

Il existe 2 cercles polaires : le cercle Arctique (pôle Nord) et le cercle Antarctique (pôle Sud). Le critère principal pour faire partie d’un des 2 cercles polaires, c’est que dans une année, la zone doit expérimenter au moins une journée de noirceur totale (nuit polaire) et une journée de lumière totale (jour polaire). Par défaut, tout territoire au-delà le 66e parallèle nord et en dessous du 66e parallèle sud est considéré comme faisant partie des cercles polaires.

Alors que dans l’hémisphère sud, aucun bout de continent, sauf l’Antarctique, ne se trouve dans le cercle Antarctique, plusieurs morceaux du Canada, de la Norvège, de la Suède, de la Finlande, de l’Alaska et de la Russie, ainsi que la majorité du Groenland, se trouvent dans le cercle Arctique.

Durant les nuits polaires, on peut percevoir de la lumière à l’horizon, de l’aube (période juste avant le lever du soleil) au crépuscule (période qui suit le coucher du soleil). À Teriberka, cette période s’étend de 10 h à 15 h, soit 5 heures durant lesquelles le ciel est bleu rosé, avec un halo de lumière à l’horizon. Alors qu’on pense que le soleil va se lever à tout moment, il disparait sans jamais être véritablement apparu.

Une fois la nuit tombée (joke de cercle polaire!), le spectacle peut commencer.

Bien que les paysages du nord de la Russie soient époustouflants, les cercles polaires sont les royaumes des lumières polaires, plus connues sous le nom d’aurores boréales.

Sans être exclusives aux cercles polaires, les aurores sont beaucoup plus fréquentes aux 2 pôles puisque le champ électromagnétique de la Terre y est plus puissant. La période optimale pour les admirer est d’octobre à mars. Leur début et leur durée sont quasi impossibles à prédire. Résultat? Vous pouvez être au meilleur endroit sur la planète pour les admirer et ne pas en voir une seule pendant 2 semaines.

(Fin de la parenthèse.)

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Teriberka a connu des jours meilleurs. Le village s’apparente beaucoup plus à un décor de film d’horreur qu’à une destination touristique. Ce prospère village de pêcheurs de jadis a sombré dans une lente agonie. Il compte aujourd’hui moins de 1000 habitants.

Alors que le village original se trouve sur un banc de sable complètement exposé aux intempéries d’une petite baie, la « nouvelle partie », composée d’une demi-douzaine de tours d’habitation, est blottie entre de petites montagnes, quelques kilomètres plus loin. Dans les deux cas, les bâtiments sont soit vieux ou super vieux, soit abandonnés, ou au mieux dans un état de délabrement très avancé. Dans un même bloc, où se trouve notre « auberge », on compte le bureau du médecin, la bibliothèque et la mairie du village.

Mais nous ne sommes pas là pour admirer l’architecture vernaculaire de Teriberka. Nous sommes là pour profiter de la nature de cette contrée hostile à quasi toute forme de vie, et faite de montagnes et de lacs glacés.

Difficile de trouver mieux que les randonnées qu’on peut y faire, sous un ciel vanille, de l’aube au crépuscule!

En bref

À Teriberka, il n’y a pas de grande montagne à gravir, ni de sentier de longue randonnée. La flore est quasi inexistante et la faune est rarissime (oubliez les ours, les orignaux, les phoques et compagnie). L’attrait de Teriberka est ailleurs.

En plus des paysages époustouflants et de la possibilité d’admirer des aurores boréales, le nord de la Russie fait office d’oasis dans le désert à une ère où il est presqu’impossible d’éviter les hordes de touristes, peu importe où l’on se trouve sur la Terre.

Il est clair que l’expression dépaysement total a été inventée pour décrire ce genre d’endroit.

L’extrême nord de la Russie (en hiver) est fait pour vous si :

  • Vous aimez les grands espaces vides et l’impression d’avoir atteint le bout du monde;
  • Vous rêvez d’atteindre l’un des 2 cercles polaires (qui sont en fait des cercles théoriques, donc intangibles);
  • Vous rêvez d’admirer les lumières polaires (il n’y a pas de meilleur endroit);
  • Vous voulez la sainte paix;
  • Vous avez un bon degré d’endurance au froid sibérien;
  • Vous parlez russe, avez un copain ou copine qui parle russe, ou êtes passé maître dans l’art du langage des signes;
  • Vous n’êtes pas une plante qui a besoin des rayons du soleil pour survivre.

Comment s’y rendre?

Pour rejoindre Teriberka, en prenant en considération que vous êtes déjà en Russie, vous devez rejoindre la ville de Murmansk (Mурманск), la ville minière la plus importante, mais sans grand intérêt, du nord-ouest de la Russie et des 2 cercles polaires (300 000 habitants). Voici les options qui s’offrent à vous :

Vol (de 3 h à 5 h) de Saint-Pétersbourg ou Moscou à Murmansk.

OU

Train (24 heures) de Saint-Pétersbourg à Murmansk.

ET

Bus très rustique, pour ne pas dire désuet, de Murmansk jusqu’à Teriberka. (1 fois par jour – durée de 3 heures – inutile de réserver.)

Hébergement

En ce début de 2019, Teriberka propose une demi-douzaine d’hébergements élémentaires. Réservez sur booking.com, ils y sont tous.

Choc culturel

Après toutes ces années à arpenter notre petite planète bleue, et après avoir visité plus de 60 pays (dont plusieurs pas commodes), j’ai été pris par surprise par la Russie.

C’est le genre de pays dont tout le monde a déjà entendu parler, mais que personne ne connait vraiment. L’erreur est de s’imaginer que les Russes vivent comme les Nord-Américains et les Européens. Je n’en dirai pas plus pour vous donner le plaisir de la découvrir par vous-même, mais en Russie, TOUT est différent : l’alphabet, la nourriture, la bienséance, le mode de vie, etc.

Une bonne chose à savoir : Les Russes ont l’air (très) froid en apparence, mais ils sont parmi les peuples les plus chaleureux et les plus généreux que j’ai eu la chance de rencontrer. Vodka très froide et festin sont à prévoir si vous séjournez chez l’un d’entre eux.

Visa russe

À première vue, la procédure semble compliquée pour obtenir un visa russe (l’une des questions du formulaire demande si vous avez déjà manipulé des armes nucléaires), mais le taux d’acceptation frôle les 100 %. L’économie russe ne peut pas vraiment se permettre de cracher sur l’argent que rapportent les touristes.

Le seul hic, exception faite pour les Américains qui peuvent obtenir un visa touristique de 10 ans (allez savoir pourquoi!), c’est que la Russie n’octroie que des visas touristiques valides pour 1 mois. Il vous faudra donc être sélectif dans vos endroits à visiter si vous choisissez d’aller découvrir le plus vaste pays de la planète.

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Bleuet du Lac-Saint-Jean et architecte de formation, Nicolas a tout laissé derrière lui en mars 2013 en échange d'un sac à dos et d'un aller simple pour l'Asie. Il a succombé à l’amour du voyage et, depuis ce temps, il a fait le tour de l'Asie, travaillé deux ans au Moyen-Orient et explore de nouvelles contrées depuis avril 2016. Son actif de voyage? Plus de quarante pays visités, de nombreuses grandes randonnées complétées et une foule de sommets atteints.