Par Michel White, cardiologue
Qui n’a jamais rêvé d’un jour mettre les pieds au sommet d’une haute montagne? À preuve, les nombreux films d’aventure, d’escalade et d’alpinisme continuent de capter notre imaginaire. Malgré cette passion, de nombreuses questions émergent souvent lorsque nous contemplons un tel projet. Par où commencer? Comment se préparer de façon optimale? Serai-je capable de tolérer le manque d’oxygène là-haut? Finalement, est-ce bon ou dangereux pour ma santé? Il existe plusieurs excellents livres sur le sujet. Ces quelques notes témoignent de mes lectures, de l’expérience des sommets que j’ai grimpé au fil des 15 dernières années, ainsi que de l’expérience des sommets mythiques atteints par des alpinistes chevronnés avec qui j’ai eu la chance de travailler. Celles-ci insisteront sur certains points clefs et vous donneront, j’ose espérer quelques trucs très pratiques.
Par où commencer?
Ici c’est l’abondance du choix! Il est important d’être réaliste par rapport à vos habiletés, à votre âge, à votre expérience et au temps dont vous disposez pour vous préparer et pour réaliser cette première expérience. Si l’objectif est trop élevé, le risque d’échec et l’envie de passer à autre chose sera aussi élevé. Il est d’ailleurs téméraire de débuter avec un sommet de 7000 mètres d’altitude comme celui de l’Aconcagua. Un sommet de 5000 mètres pas trop technique serait par contre un bon point de départ. Et l’Amérique regorge de ce type de montagnes. Avez-vous assez de temps pour vous rendre Asie? Si oui, vous vivrez une très belle expérience autant humaine que sportive. Par ailleurs, vouloir se rendre aussi loin avec moins de trois semaines de vacances sera trop court et vous laissera en état d’épuisement à votre retour.
Les grandes lignes de la préparation physique
Une phrase résume la conduite à prendre : surcharge progressive et échéancier raisonnable. Ça veut dire quoi au juste? Si vous êtes déjà sportif et que vous pratiquez le trekking sur base régulière, 12 semaines de préparation seront suffisantes. Par ailleurs pour les débutants, donnez-vous 6 mois d’entraînement. Il est important de surcharger progressivement son corps au fil des semaines, sinon il s’habituera très vite à ce que vous lui donnez. Résultat? Vous plafonnerez. Soyez spécifique. Inutile de faire un entraînement aérobique axé sur le vélo si votre objectif est de marcher 8 heures par jours avec un sac de 15 kilos! Préparez autant vos muscles que votre cœur! Un ratio force/poids corporel élevé est un gage de succès en haute montagne. Pour l’entraînement aérobique, la course sur sentier et le trekking (« power hiking ») sont tout en haut de ma liste des entraînements aérobiques à prescrire aux alpinistes en devenir. Aussi un programme de musculation avec un nombre limité d’exercices (6-8) qui sollicitent de grosses masses musculaires et principalement les cuisses et le dos comme le « power clean » vous amènera tout au sommet!
Serai-je capable de tolérer le manque d’oxygène?
Qui dit haute montagne, dit diminution de l’apport en oxygène. À 5000 mètres d’altitude, la quantité d’oxygène disponible est réduite de 50 %. Ceci veut dire que votre performance maximale mesurée au niveau de la mer sera amputée de 50 %. C’est énorme!
Il existe une variabilité appréciable dans la capacité de l’être humain de s’adapter à un environnement pauvre en oxygène. Par exemple, 50 % des grimpeurs amenés rapidement à 5000 mètres d’altitude développeront des symptômes compatibles avec le mal aigu des montagnes. Les sherpas sont doués pour la haute altitude principalement par des adaptations génétiques au fils des millénaires. Attention! Les grands sportifs d’endurance au niveau de la mer sont souvent les plus lents à s’adapter à la haute montagne! Pourquoi? Les raisons sont multiples, mais leur fréquence cardiaque basse et un tonus de relaxations élevées (tonus vagal) retarderaient leur adaptation. De façon générale, les personnes d’âges extrêmes de la vie (<15 ans et >70 ans), les gens avec certaines conditions cardiaques ainsi que les grimpeurs avec surcharge pondérale auront tendance à désaturer de façon plus marquée à l’effort et au petit matin (c’est entre 3 et 5 heures du matin qu’on retrouve la période de plus grande vulnérabilité).
Il est possible de tester la réponse cardio-pulmonaire aiguë a la haute altitude dans des laboratoires spécialisés. Malheureusement, un bon test a 50 mètres n’est pas un gage d’une bonne adaptation au fil des jours (chronique) à 5000 mètres! L’utilité d’un tel test est donc controversée. Ce qui aide à 100 %? Une ascension lente (gain d’altitude maximum de 500 mètres sur 24 heures au-dessus des 2500 mètres d’altitude), des jours de repos intercalés aux jours de grimpe, une bonne alimentation et une hydratation optimale.
C’est bon ou mauvais pour ma santé ce type d’aventure?
Une telle aventure est saine pour la santé. En effet, le trekking en haute altitude est un excellent brûleur de graisse, améliore l’endurance et apporte des effets cardiométaboliques multiples comme une diminution du cholestérol et du taux de sucre. L’exposition chronique a un milieu pauvre en oxygène contribue vraisemblablement à stimuler la croissance vasculaire artérielle, pourrait contribuer à prévenir les infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux! L’hypoxie et l’exercice ont donc des vertus antivieillissement! Il y a des risques si la progression est trop rapide, si la préparation physique (et mentale!) de même qu’une technique et une organisation déficientes. Ces facteurs rendront le grimpeur vulnérable au mal aigu des montagnes, aux blessures, à l’épuisement ainsi qu’à d’autres malaises comme les infections et les entérites. Comme dans la pratique de tout sport, et surtout lorsque l’effort se déroule en altitude, la modération a bien meilleur goût.
Bonne expédition qu’elle soit petite ou très grande!
C’est avec plaisir que je recevrai vos commentaires et questions : m_white@icm-mhi.com
Une publication locale très bien faite : Emmanuel Daigle. Haute Altitude, du trek à l’aventure. Éditions Vélo Québec 2015; 192 pages
Dr Michel White
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